Voyage d'étude en Finlande (Helsinki) par Maryse METRA

Voyage d'étude à Helsinki-13-20 mars 2011

Rencontre avec des enfants, des enseignants, des parents...

Voyage d'étude à Helsinki-13-20 mars 2011

Rencontre avec des enfants, des enseignants, des parents...

Compte-rendu rédigé par Maryse Métra

Présidente de l'AGSAS (Association des groupes de soutien au soutien)

Membre de l'OMEP-France, section de Paris

 

Sommaire

Pourquoi un voyage d'étude à Helsinki ? ............................................. 4

« Chaque élève est important » : les orientations politiques

de la Finlande en matière d'éducation et de formation........................  5

Une réforme dans le long terme............................................................. 5

Enseignant : une profession considérée................................................. 6

Formation initiale des enseignants........................................................ 6

Formation continue des enseignants..................................................... 7

La formation des assistants d'éducation................................................ 7

Les moyens humains.............................................................................. 8

Les moyens matériels............................................................................. 8

L'importance des livres et des manuels d'accompagnement................. 8

Nul n'est prophète en son pays : merci Mr Freinet!............................... 9

Les structures éducatives dans la société finlandaise............................ 11

De la conception à 6 ans, le dispositif de prévention NEUVOLA.......... 11

Les jardins d'enfants de 1 à 6 ans (PÄIVÄKOTI)................................... 12

L'enseignement préscolaire .................................................................. 14

La prévention......................................................................................... 16

L’enseignement fondamental : de 7 à 16 ans (PERUSKOULU)........... 16

L'enseignant spécialisé(Eritysopettaja)................................................ 18

L'accueil des élèves en situation de handicap...................................... 20

La mise en place d'un soutien très « particulier »............................... 20

Du jardin d'enfants au collège : l'école d'Arabia.................................. 21

L'enseignement secondaire supérieur ................................................. 21

Pourquoi le « système éducatif finnois »

donne-t-il de meilleurs résultats au PISA? ......................................... 21

L'école comme une « maison »............................................................ 24

Des espaces habitables......................................................................... 24

Les photos pour développer un sentiment d'appartenance................ 26

Une certaine conception de l'enseignement........................................ 27

La conquête de l'autonomie, une « valeur finlandaise » ?.................. 27

La prise en compte de l'hétérogénéité................................................. 28

Le suivi longitudinal d'un groupe d'enfants sur plusieurs années ..... 29

L'accueil des enfants issus de l'immigration....................................... 30

Le respect des besoins fondamentaux................................................. 30

Pour une école des « quatre intelligences »........................................ 32

L'appui sur le groupe........................................................................... 32

Le temps, les rythmes.......................................................................... 33

Une certaine conception de l'évaluation............................................. 34

Les bibliothèques et la littérature ...................................................... 34

La littérature pour enfants.................................................................. 35

Un cadre contenant............................................................................. 36

L'importance de la relation................................................................. 36

Les liens avec les parents.................................................................... 36

La confiance........................................................................................ 36

Une certaine discipline....................................................................... 36

L'indiscipline et les sanc..................................................................... 37

La violence dans lees.......................................................................... 37

Dispositifs et ateliers proposés par l'IUFM de Lyon,........................ 38

dans les classes finlandaises.............................................................. 38

Si on rêvait......................................................................................... 38

Un atelier philo-AGSAS à l’école spécialisée de Vantaa .................. 42

Les petits livres.................................................................................. 44

Les livres en langue française............................................................ 45

Les chansons en langue française..................................................... 45

Remerciements ................................................................................. 45

Pour poursuivre la réflexion :............................................................ 46

Table des matières............................................................................. 47

Annexe : Livres pour les jardins d'enfants........................................ 49

Annexe : Livres pour les maternelles................................................ 50

Annexe : Livres pour les écoles élémentaires.................................... 51

 

 

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Pourquoi un voyage d'étude à Helsinki ?

Ce voyage d’étude a été réalisé dans le cadre de la formation initiale des enseignants spécialisés dans l’aide pédagogique de l'IUFM de Lyon (Université Claude Bernard. Lyon 1).

Il visait trois objectifs prioritaires :

  • connaître le système éducatif de la Finlande et tenter de comprendre comment les enseignants travaillent pour favoriser la réussite de chaque élève et obtenir de tels résultats aux évaluations PISA[1];
  • observer les dispositifs d’aides aux élèves en difficulté proposés dans le cadre de l’enseignement général préélémentaire et élémentaire;
  • accéder à la dimension de la relation d'aide en mettant des dispositifs pédagogiques propres aux RASED[2] à l’épreuve dans un contexte culturel et linguistique différent;
  • enrichir sa pratique professionnelle de celle des collègues finlandais.

En tant que présidente de l’AGSAS, immergée pendant une semaine dans plusieurs écoles finlandaises avec les collègues en formation, j'ai vu ce que pouvait donner au niveau pédagogique, la mise en œuvre de ce que défendait le psychanalyste Jacques Lévine (1923-2008).

D’ailleurs, dans les préconisations institutionnelles, on peut lire :

« En Finlande, l'éducation est conçue de telle manière que l'enseignement préscolaire, l'enseignement fondamental et l'enseignement du second degré constituent -avec l'éducation de la petite enfance- un parcours d'apprentissage favorisant la croissance, le développement, le bien-être et l'épanouissement de l'enfant. »

J'évoquerai ici nos visites dans les écoles et nos échanges avec les enseignants, pour partager mes hypothèses de compréhension et voir comment nous pouvons œuvrer pour faire bouger les choses en France, afin de diminuer les souffrances à l'école[3].

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« Chaque élève est important » : les orientations politiques de la Finlande en matière d'éducation et de formation

La Finlande compte 5,3 millions d'habitants dont 1,2 millions ont moins de 20 ans.

« L'objectif de l'éducation est d'aider les élèves à croître en humanité et à devenir des membres éthiquement responsables de la société ; il est aussi de leur fournir les connaissances et les compétences nécessaires à la vie ».

Extrait du « Basic Education Act » du 1er janvier 1999

Une réforme dans le long terme

A partir des années 1960 et avec la coalition de gauche qui a accédé au pouvoir en 1966, une longue réflexion a permis une réforme profonde du système éducatif, avec une vision globale et à long terme, et avec une conception humaniste. C’est en 1968 que furent définis les principes fondamentaux du système scolaire avec de grandes orientations qui n’ont pas été remises en question depuis.

On est passé d’un système élitiste et sélectif à une école fondamentale fondée sur des valeurs d’équité, de respect des différences et d’autonomie. La question de l’élitisme est toujours d’actualité au niveau des lycées.

En Finlande, les droits fondamentaux en matière d'éducation sont inscrits dans la Constitution :

« Chaque personne résidant en Finlande se voit garantir une égale possibilité d'accéder, selon ses capacités et ses besoins, à une instruction allant au-delà de l'enseignement de base ainsi que de se perfectionner, sans que le dénuement constitue un obstacle. La scolarité obligatoire pour chacun, la gratuité de l'enseignement préscolaire et de base sont des principes définis dans la loi. Les autres formations diplômantes sont également gratuites pour les étudiants, y compris la formation doctorale dispensée dans les universités. » (...) Le développement de l'enseignement général a comme point de départ la garantie et le renforcement de la formation pour tous, indépendamment du lieu de résidence, de la langue ou de la situation économique. Le droit à l'enseignement préscolaire et le développement des activités du matin et de l'après-midi constituent les innovations en matière d'enseignement général les plus notables de ces dernières années, en contribuant à la construction du bien-être des enfants et des jeunes. »,déclarait Antii Kalliomäki, ministre de l'Education en 2006.

C'est le ministère de l'Education qui pilote la mise en œuvre de la politique d'éducation et de formation. La Finlande consacre environ 6,1% de son PIB à l'éducation et à la formation. Le taux de chômage est de 7,7%.

« La Finlande respecte profondément les savoirs, mais elle respecte encore plus les individus à qui elle veut les faire acquérir ».

Paul ROBERT. 2008

L'enfant est considéré comme fondamentalement curieux et avide de nouvelles connaissances. Les enseignants créent les conditions où cette curiosité pourra s'exercer, afin qu'il développe toutes « ses capacités intellectuelles affectives et morales » pour devenir « un être humain complet, équilibré, respectueux des autres et de son environnement »

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Enseignant : une profession considérée

 

Les enseignants bénéficient d'une grande confiance dans la société finlandaise, leur profession est considérée, et elle est attractive au niveau financier.

Ils bénéficient d'une grande liberté pédagogique, il n'y a plus d'inspecteurs depuis plus de quinze ans.

Le projet dépend de chaque établissement, même s'il s'inscrit bien sûr dans le cadre d'un programme national.

La sélection est rigoureuse pour être admis dans une formation de « class teachers » (professeurs des écoles en France) ou de « subjectteachers » (professeurs dans une ou plusieurs matières).

Une enquête[4] a été réalisée par la faculté d'éducation de Joensuu : « Qu'est-ce qu'un bon professeur ? ». Il s'en dégage trois figures emblématiques du « bon professeur » :

  • un facilitateur d'apprentissage « rogérien », à savoir authentique, manifestant une considération positive inconditionnelle en l'autre et faisant preuve d'une compréhension empathique ;
  • un pédagogue constructiviste ;
  • un directeur de conscience humaniste.

Parlons de la retraite des enseignants puisque c'est un sujet brûlant, chez eux comme chez nous :

  • dans la population finlandaise, la retraite est fixée à l'âge de 65 ans, avec 60% de pension
  • pour les enseignants finlandais, la retraite est possible à 60 ans, avec 66% de pension.

Mais les réformes en cours risquent de changer la donne !

Formation initiale des enseignants

Le métier d’enseignant a été revalorisé avec une augmentation du niveau de formation. Cette réforme fut lancée en 1972, après une concertation de tous les acteurs.

Tous les enseignants reçoivent une formation universitaire. Elle a pour objectif de donner aux professionnels « les aptitudes nécessaires pour exercer de façon autonome comme enseignant, conseiller et éducateur ».

On distingue

  • les enseignants du préscolaire et du primaire de l'enseignement fondamental (classe 1 à 6) qui enseignent toutes les matières. En 2008, leur salaire oscillait entre 2240 et 3000 euros ;
  • les enseignants de la 7ème à la 9ème classe de l'enseignement fondamental et les profs de lycée qui enseignent une ou deux matières. La formation des enseignants par discipline ne doit pas être déconnectée des aspects éducatifs. Leur salaire est de 200 à 400 euros supérieur aux enseignants du préscolaire et du primaire ;
  • les enseignants spécialisés qui exercent dans l'enseignement fondamental ;
  • les conseillers d'orientation.

Lorsque je demandais aux enseignants quels étaient les atouts de leur formation, la réponse était souvent : la pratique sur leur terrain. Mais ils ajoutaient qu'on leur avait donné des outils pour pouvoir être à l'écoute de chaque élève de leur classe, pour lui apporter des réponses adaptées. Tous soulignent la nécessité de liens chaleureux avec leurs élèves : « il faut déjà apprendre à se connaître, à se rejoindre sur des centres d'intérêt, ce n'est qu'après qu'on peut commencer à aborder les contenus des apprentissages », nous dit Susanna.

La pédagogie et la psychologie tiennent une grande place dans la formation.

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Formation continue des enseignants

La formation continue est facultative, mais les communes ont en charge d'organiser, au minimum, trois jours par an de formation. La plupart des enseignants y participent tous les ans.

L'état finance :

  • des stages de formation liés à l'utilisation des technologies de l'information et de la communication ;
  • la formation continue des enseignants spécialisés ;
  • la formation liée aux aptitudes à l'accompagnement.

Des enseignants m'ont dit participer à des groupes d'analyse de pratiques, dans leur établissement, avec un animateur extérieur.

Le contrôle hiérarchique centralisé n’existe plus dans les pays nordiques.

Au début des années 90, la responsabilité a été transférée aux collectivités locales et aux écoles qui ont développé progressivement des systèmes de pilotage non-hiérarchique[5].

La formation des assistants d'éducation

Les étudiants qui suivent un cursus universitaire et qui souhaitent être enseignants peuvent être « assistants d'éducation » dans les écoles et, dans ce cas, ils seront prioritaires avec une prime dans leur entrée en formation.

Nous avons vu aussi des militaires à la retraite qui remplissaient cette fonction d'assistant après un an de formation pédagogique à l'Université.

Les assistants peuvent aussi être affectés au soutien d'un élève en situation de handicap pour un accompagnement individuel permanent, mais la plupart n'ont pas reçu de formation spécifique, et cela pose problème !

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Les moyens humains

Les effectifs sont variables, de 15 à 32 enfants, selon ce que nous avons vu dans les écoles fondamentales. Il y a une priorité aux petits effectifs pour les petites classes de l'élémentaire. Il arrive qu'il y ait deux enseignants qui se partagent la classe ou que les classes soient dédoublées dans certaines matières (informatique, langue, sport...), avec aussi la présence fréquente d’assistants.

Nous avons vu beaucoup d'adultes intervenir dans les classes, sans toujours bien comprendre leur statut. C'est ce que je souhaiterais approfondir.

En plus des enseignants, il y a :

  • des assistants (assistants pédagogiques dans certaines classes, assistants pour canaliser les problèmes de comportement dans d'autres classes...) ;
  • des intervenants extérieurs pour des projets ponctuels.

Le nombre d'adultes permet que l'espace scolaire soit contenant.

Les moyens matériels

« A tous les niveaux de formation, une attention particulière a été accordée ces dernières années aux connaissances et aux compétences requises par la société de l'information, afin que tous les citoyens bénéficient de chances égales pour évoluer dans la société d'aujourd'hui. Des efforts ont aussi été portés sur les possibilités qu'a la recherche d'exploiter les techniques liées à l'information et à la communication ainsi que les matériels électroniques »,déclarait Antii Kalliomäki, ministre de l'Education en 2006.

Chaque classe est équipée d'un visualiseur.

Les classes d'Helsinki sont dotées d'un matériel informatique important.

Pas de déploiement de supports didactiques. Les classes se ressemblent toutes : l'alphabet avec les mêmes images pour identifier les lettres, les mois, les jours de la semaine, très peu d'affichage des productions des élèves.

L'importance des livres et des manuels d'accompagnement

Pour les enseignants, ce sont des supports importants qui les aident à poser des repères aux élèves. Ces manuels ont d'ailleurs l'air assez bien faits, et m'ont fait penser à certains moments aux fichiers mis en place par Célestin Freinet. Ils guident l'élève dans sa démarche réflexive.

Les enseignants font souvent leur leçon avec le support du livre et les élèves sont invités à faire les exercices sur un manuel qui accompagne l'ouvrage. Chacun choisit son exercice en fonction de la difficulté qu'il veut et peut aborder.

L'élève a confiance dans le livre : j'ai vu un enfant (équivalent du CM2) aller vérifier sur son livre de géographie ce qu'il avait trouvé sur Internet, et ainsi compléter la recherche qu'il faisait sur la Grèce. La synthèse trouvée dans le livre a semblé mieux lui convenir que l'abondance des informations qu'il avait pu recueillir sur Internet.

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Nul n'est prophète en son pays : merci Mr Freinet !

 

Et si une part de la réussite du système finlandais revenait à Célestin Freinet (1896-1966) ?

Au moment de changer leur système éducatif, il y a une vingtaine d'années, les finlandais sont venus en France rencontrer des collègues de l'ICEM[6], ils sont allés visiter des écoles Montessori en Italie et des écoles Steiner en Allemagne.

Nous avons pu voir ce que pourrait être la mise en œuvre des idées de ces pédagogues au niveau de tout un pays.

Une plaquette publiée par le Ministère des affaires étrangères nous dit d'ailleurs que l'école primaire de Strömberg de la banlieue d'Helsinki applique les méthodes de ce pédagogue français « qui met l'accent sur l'apprentissage par l'action et l'éveil du sentiment d'appartenance à la collectivité ». La directrice de cette école déclare d'ailleurs que « même si le projet pédagogique national finlandais, tout comme l'orientation pédagogique de la ville d'Helsinki, s'inspirent des idées du mouvement Freinet, le modèle issu de ces méthodes a été poussé encore plus avant à l'Ecole Strömberg » qu'elle dirige.

Lorsque la Ministre de l'éducation finlandaise est venue en France, elle a déclaré au Ministre être très fière d'être dans le pays de Freinet. Savait-elle que cet enseignant avait dû quitter l'éducation nationale ?

Par ailleurs, j'entends des inspecteurs de l'éducation nationale déclarer que ces idées sont obsolètes. Le mouvement Freinet a continué de se développer et les collègues sont sollicités par de nombreux pays qui veulent, non pas appliquer, mais adapter cette approche de l'enfant et des apprentissages dans leur pays.

Dans un article paru dans Le Nouvel Éducateur[7], Jacques Lévine déclarait :

« Je m’aperçois que dans le travail que je poursuis, qui vise à une « rencontre pédagogie-psychanalyse pour la formation aux relations de médiation», je suis extrêmement redevable à la pensée de Freinet. La majorité des classes que je visite et dont, pour certaines, je fais état dans la revue « Je est un Autre[8], est d’inspiration Freinet. On peut dire que là où il y a de la novation pédagogique, il y a de la pensée Freinet, même si ça s’appelle autrement.

Freinet est un très grand homme dont on n’a sans doute pas encore mesuré toute l’importance. Ses idées de 1923 ont encore cinquante ans d’avance sur notre temps, même si elles s’appliquaient à des populations et à des structures différentes de celles que nous connaissons actuellement. Je n’accepte pas qu’on taxe d’obsolètes ces idées, sous prétexte qu’elles ne s’adressaient qu’à la société rurale d’avant-guerre. Au contraire, à condition d’être prolongées et adaptées, elles comportent une permanence qui, touchant aux besoins fondamentaux de l’enfant, vaut pour toutes les époques. La figure de Freinet est d’ailleurs liée, dans mon esprit, à celle de mon maître Henri Wallon qui, lui aussi, a eu le tort d’être en avance sur son temps. Ses idées, sur bien des points, sont complémentaires de celles de Freinet et on n’a fait que commencer de les explorer ».

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La pédagogie Freinet avait une visée politique autant que pédagogique, et je vous propose ce passage tiré des Dits de Mathieu[9] qui peut nous aider à repenser l'école dans son contexte :

LE BON JARDINIER, OU LE CYCLE DE L'EDUCATION

 

L'éducation n'est pas une formule d'école, mais une œuvre de vie.

Il est des jardiniers, soi-disant modernes et scientifiques, qui se font forts d'obtenir une belle récolte quelles que soient les conditions de sol, de climat, d'éclairage ou de fumure. Mais quelle générosité de soufre et d'arséniates, d'insecticides et de bouillies ! Si cela ne suffit pas, on cachera le raisin dans un sachet protecteur et on cueillera la poire encore verte pour la mettre à l'abri dans une couche d'ouate où elle mûrira à son aise.

Le fruit est sauvé et de bonne qualité marchande. Mais il est à tel point imprégné de toxique qu'il devient un poison pour qui le consomme. Et l'arbre qui l'a porté, trop tôt épuisé et meurtri, se dessèche avant même d'avoir jeté vers le ciel ses bras audacieux.

C'est dans sa graine déjà, ou dans le plant naissant que le jardinier avisé soigne et prépare le fruit à venir. Si ce fruit est malade, c'est que l'arbre qui l'a porté était lui-même souffrant et dégénéré. Ce n'est pas le fruit qu'il faut traiter, mais la vie qui l'a produit. Le fruit sera ce que l'auront fait le sol, la racine, l'air et la feuille. Ce sont eux qu'il faut améliorer si l'on veut enrichir et assurer la récolte.

Si les hommes savaient un jour raisonner pour la formation de leurs enfants comme le bon jardinier pour la richesse de son verger, ils cesseraient de suivre les scoliâtres qui produisent dans leurs antres des fruits empoisonnés dont meurent tout à la fois ceux qui les ont anormalement suscités et ceux qu'on a contraints d'y mordre. Ils rétabliraient hardiment le cycle véritable de l'éducateur, qui est : choix de la graine, souci particulier du milieu dans lequel l’individu plongera à jamais ses racines puissantes, assimilation par l'arbuste de la richesse de ce milieu.

La culture humaine serait alors la fleur splendide, sûre promesse du fruit généreux qui mûrira demain.

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Les structures éducatives dans la société finlandaise

De la conception à 6 ans, le dispositif de prévention NEUVOLA

Nous avons eu la chance d'être accompagnés par Bénédicte, française qui vit en Finlande depuis cinq ans et qui attend un bébé. Elle nous a donc présenté ce qui était mis en œuvre dès le début de la grossesse.

Il s'agit de NEUVOLA, qui est à la fois

  • un concept de prévention
  • une institution composée d'une équipe à compétences multiples, qui intervient auprès des parents avant la naissance de l’enfant pour les préparer au rôle qu'ils auront à tenir en tant que  parents.

Dès l'annonce de la grossesse, le médecin donne les coordonnées de NEUVOLA aux futurs parents. Un questionnaire leur est proposé où on leur demande si c'est le premier enfant ou non. Ils bénéficient :

  • d'un suivi médical, psychologique et social avec des rendez-vous médicaux obligatoires ;
  • de la préparation à l'accouchement pour le couple ;
  • de la possibilité de rencontres facultatives selon leurs besoins.

Après la naissance de l’enfant, NEUVOLA reste une instance de conseil et de médiation dans divers domaines (médical, social, sanitaire, éducatif, etc.). Les enseignants soulignent les effets positifs de cette politique en direction de la petite enfance.

C'est un service gratuit et non obligatoire qui rencontre les faveurs de plus de 95% des familles et les enseignants apprécient son rôle dans leurs rapports avec les élèves, les parents et les autres acteurs du système éducatif (travailleurs sociaux, psychologues scolaires, médecins scolaires, etc.).

En Finlande, on intervient immédiatement quand une difficulté apparaît, car l'enfant est « encadré » par de nombreux adultes.

NEUVOLA est une institution indépendante de l’école, mais elle semble être importante en matière d’équité sociale ; elle a ses limites aussi quand les parents ne sont pas volontaires pour suivre les dispositifs proposés. L'école doit veiller aussi à prévoir des actions de prévention.

« L'éducation de la petite enfance repose sur les soins, l'éducation et l'enseignement ».

Le congé parental permet aux parents de garder l'enfant jusqu'à un an environ. Il y a déjà trois mois de congés maternité obligatoires, suivis de six mois de congés parental (pour l'un ou l'autre des parents). Il est possible ensuite d'obtenir un congé "parental d'éducation" jusqu'aux trois ans de l'enfant, voire sept ans, âge de l'école obligatoire.

Il y a des allocations pendant tout ce temps, aides qui dépendent des revenus.

La plupart des femmes prennent entre 9 mois et 3 ans de congés, les hommes en congé parental ne sont pas rares non plus. Les contrats de travail sont mis "en pause" ou reportés et les parents peuvent retrouver leur poste normalement, même après sept ans de congé parental.

Nous avons eu la situation d'un couple qui avait quatre enfants de dix ans à un an et demi, dont la femme était à la maison depuis 11 ans (congés maternité puis parental). Un énorme effort est fait au niveau du pays pour qu'il y ait une bonne conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle.

Dans les transports en commun, l'adulte qui pousse une poussette ne paie pas, et plus tard, lorsque l'enfant marche, il ne paie pas sa place, et le conducteur peut lui remettre des coloriages !

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Les jardins d'enfants de 1 à 6 ans (PÄIVÄKOTI)

 

La plupart des enfants fréquentent les jardins d'enfants, il existe des nourrices agréées mais très peu et cela coûte très cher.

L'accueil est financé par les parents (de 0 à 200 euros par mois, cantine comprise). Les municipalités doivent fournir suffisamment de places pour couvrir tous les besoins de leur zone de responsabilité. Ils accueillent les enfants dès l'âge de 1 an, car les mères ont un congé de maternité de 9 mois, à compter du jour de l'accouchement, que la plupart d’entre elles prolonge de quelques mois.

A Helsinki, les enfants peuvent être accueillis de 6h15 à 17h30. Mais les horaires de travail sont assez souples et aménageables. Les deux parents se partagent "la charge" des enfants plus facilement qu'en France, les pères sont plus présents et plus impliqués auprès des enfants. Les horaires du jardin d’enfants sont libres aussi bien pour l’entrée que pour la sortie.

A l'école d'Arabia, 16 adultes (10 éducateurs/éducatrices, 5 enseignants, 1 enseignant spécialisé) encadrent 90 enfants dont 20 enfants de un à trois ans.

Les éducateurs et les éducatrices des jardins d'enfants reçoivent une formation pédagogique de même niveau universitaire que les enseignants de l’école fondamentale.

La structure est payante au prorata des revenus et donc accessible à tous. Aucune famille ne se voit refuser l’accès au jardin d’enfants pour des raisons financières.

L'objectif est de proposer aux enfants un environnement sécurisant et stimulant pour « épanouir leur individualité et nouer des relations harmonieuses avec leur entourage », et cela doit passer essentiellement par le jeu.

Il n'y a pas de «disciplines », mais des « orientations » qui visent à faire vivre à l'enfant des expériences concrètes et attractives, liées à son environnement immédiat, pour qu'il développe des outils cognitifs qui vont lui permettre de comprendre le monde. Il n'y a pas d'obligation de réussite.

Isabelle, enseignante qui a d'abord enseigné en France et qui est aujourd'hui au jardin d'enfants de l'école franco-finlandaise, me disait : « En Finlande, on permet à l'enfant de rester un enfant plus longtemps ; en France, on est trop ambitieux trop tôt. »

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Les enfants passent au moins une heure dehors le matin, et autant l'après-midi après la sieste. Les activités sportives sont encouragées, liées aux saisons et au climat.

A partir de 9 heures, les enfants sont dehors pendant une heure (sauf lorsque la température est inférieure à -15 °C), avec trois éducateurs et un enseignant. Dès qu'il y a dix nouveaux arrivants dehors, un nouvel adulte sort.

A partir de 10 heures, les enfants rentrent, toujours de façon échelonnée et choisissent l’atelier dans lequel ils souhaitent aller. Nous n’avons pu en observer que quelques-uns car, vu le temps particulièrement beau, une enseignante est restée dehors avec une dizaine d’enfants pour faire du ski de fond.

Différents types d’activité sont proposés : livres, jeux de construction, d’imitation, d’imagination, plantations, travaux manuels, peinture, dessin, perles, théâtre, danse, etc… Chaque activité correspond à un lieu précis que l’enfant connaît et dans lequel il se rend de façon autonome : il peut alors se retrouver seul ou avec d’autres. Il arrive qu’une activité spécifique soit mise en place de façon ponctuelle à la demande des enfants ou sur proposition d’un adulte.

Rien n’est imposé, l’enfant choisit son activité et agit librement au sein de celle-ci. Les adultes interviennent peu et circulent entre les groupes. Ils sont néanmoins très disponibles et interviennent dès qu'ils sont sollicités.

Les enfants jouent, expérimentent dans les différents ateliers, seuls et en groupe. Hormis leurs dessins, aucune fiche ou trace d’activité scolaire écrite n’existe, les adultes photographient les réalisations des enfants et mettent ces traces dans les classeurs que les parents consultent régulièrement. Aucune frise numérique, aucun calendrier, pas d’alphabet sur les murs. Ce n’est pas un hasard, en Finlande le travail écrit n’est sollicité par les enseignants qu’à partir du préélémentaire, et l'apprentissage proprement dit ne débutera que la première année du primaire, lorsque les enfants ont 7 ans.

Les enfants ne sont pas sollicités précocement vers les apprentissages fondamentaux. On leur offre des espaces, on leur laisse du temps pour jouer, découvrir le monde environnant, faire leurs expériences, en présence de nombreux adultes présents et disponibles. Comme il n'y a pas d'attentes spécifiques au niveau écrit (fiches, par exemple), il n'y a pas de pression sur des évaluations.

Les éducateurs et les enseignants nous ont déclaré qu'ils témoignaient des réalisations des enfants en les photographiant pour qu'ils en gardent trace et puissent témoigner aux parents de l'activité des enfants et de leur évolution. Ces photos sont mises dans un classeur que les enfants étaient très contents de nous montrer.

Les enfants qui arrivent avant 9h prennent un petit déjeuner avant de sortir en « récréation ». Ils prennent leurs repas de midi de manière échelonnée (plusieurs services) dans trois petites salles à manger qui accueillent des groupes de 10 enfants. Les 5-6 ans mangent à l'école fondamentale.

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L'enseignement préscolaire durant la sixième année (ESIKOULU)

 

Depuis 2001, les communes ont l'obligation de mettre en place l'enseignement préscolaire pour les enfants de 6 à 7 ans, mais l'état contribue aux frais (57%). Enseignement facultatif, il est suivi par 96% des enfants finlandais. Il est gratuit pour les parents dans les établissements publics. La journée dure en moyenne quatre heures.

Il est rattaché soit au jardin d'enfants, soit à l'école, et il constitue une transition entre les deux lieux ; les enseignants mettent en place différents dispositifs pour faciliter les liens entre ces espaces de vie. A l'école Kaisanimi (Helsinki), en mars, les enfants de l'école maternelle viennent passer quatre matinées du mardi dans les classes de niveau 1, et ce jour-là, on ne fait pas de « scolaire » proprement dit, on met l'ensemble des élèves en situation de réussite pour donner confiance aux jeunes enfants qui viendront dans ce lieu à la prochaine rentrée.

« L'enseignement préscolaire favorise l'apparition chez l'enfant d'aptitudes propices à la croissance, l'épanouissement, au développement et à l'apprentissage, ce, de manière égalitaire dans tout le pays. Il développe les aptitudes sociales et éthiques de l'enfant, son expression orale, sa prise de conscience de la langue ainsi que ses capacités littéraires et mathématiques.

(…)Les jeux, les activités physiques, la résolution des problèmes et expériences concrètes favorisent une croissance et un développement complets de l'enfant. » (Extrait du « Basic Education Act » du 1er janvier 1999)

Il n'y a pas d'apprentissage systématique de la lecture. Les activités se déploient dans sept champs disciplinaires assez larges, mais qui ouvrent aux enseignements ultérieurs de l'école fondamentale :

Mathématiques

 

Sciences naturelles et environnementales

Développement moteur et physique

Santé

Langage et interaction

Ethique et philosophie

Art et culture

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Les enseignants ont eu dans leur formation une étude des stades de développement de l'enfant et ils guident, sont à l'écoute de chaque enfant pour l'amener à progresser, se dépasser lui-même en s'étayant sur le groupe, mais jamais en compétition avec les autres membres du groupe. Vygotski a fait école ici aussi !

Les enfants passent donc leur sixième année dans cette école « préscolaire », et n'aborderont de front les apprentissages qu'à l'âge de 7 ans.

Voici ce qu'écrivait Jacques Lévine à ce sujet :

« J’éprouve le besoin de mieux préciser ce qu’est du point de vue de l’apprentissage de la lecture, respectivement un enfant de 6 ans et un enfant de 7 ans.

Intellectuellement, à 6 ans le syncrétisme n’a pas encore suffisamment cédé la place à la pensée catégorielle et aux invariants. Affectivement, les phobies sont fréquentes, les systèmes de défense fragiles. L’identité sociale, la construction biographique ne sont pas encore assez claires. Le Moi n’est prêt qu’en apparence, au prix d’une surtension, à intégrer le passage du prénom au nom, à plus d’anonymat, à des compétitions forcément frustrantes. Pour ce qui est des enfants sensibles de 6 ans, l’entrée dans une vie moins protégée les rend préoccupés, favorise des régressions, des colères, le sentiment de ne pas être compris et, surtout, des attitudes de doute de type déjà névrotique concernant la valeur de leur image. Quant à ceux qui ont un Moi mal contrôlé, à intériorisation parentale insuffisante, ils sont encore moins prêts à supporter l’autorité, d’où tous ces combats qui s’engagent si mal pour leur faire accepter la Loi.

Par contre, les psychologues sont frappés par les changements qui se produisent à 7 ans. La lutte entre le Moi familial, le Moi des camarades, le Moi social et le Moi scolaire est beaucoup mieux résolue, il y a répartition plus claire des rôles. La période dite de latence, qui est la mise entre parenthèses des conflits œdipiens, ne commence vraiment qu’alors et c’est la condition d’une utilisation de l’énergie et de la disponibilité vers les curiosités extérieures, vers les réalisations tangibles dans un sentiment plus grand d’équivalence avec le monde adulte.

Tout cela milite pour organiser une classe qui, dans le prolongement de la Maternelle, servirait à développer le sens du corps chez les petits intellectuels, et vice versa ; à rendre moins bébés ceux qui le sont trop, et à mieux situer dans leur âge ceux qui n’ont pas le sens de leurs limites ; à développer le goût des rencontres des trop repliés sur eux-mêmes et à stabiliser les trop éparpillés ; bref, à complémentariser et à donner le plaisir d’une enfance mieux achevée.

J’ajoute que cette proposition qui implique une entrée à la grande école intelligemment modulée de 5 à 7 ans ne correspond pas à une maternelle-bébé où les enfants de 6 ans s’ennuieraient, ni avec une quelconque entrave à apprendre à lire. Il s’agit d’inventer, de toutes pièces, une classe qui n’a jamais existé ou dont nous trouvons des traces dans des conceptions relativement anciennes de l’école à classe unique. » [10]

Ce qui va à contre-courant de la volonté actuelle de l'Education nationale qui nie les qualités pédagogiques de ces classes qui existent encore dans nos campagnes et nos montagnes, et qui favorise les regroupements pédagogiques. Il n'est plus question de respecter ici le temps de développement de chacun puisque tous montent dans des bus dès 8 heures, et nous voyons disparaître aussi les liens privilégiés famille-école pour cette tranche d'âge.

P16

La prévention

La prévention est importante en Finlande, nous avons vu comment elle se met en place avec le dispositif Neuvola. Des dispositifs se prolongent à l'école, avec le soutien des enseignants spécialisés. « Mais si le comité de direction décide de faire d'autres choix au niveau budgétaire, la prévention ne peut pas être mise en place de manière satisfaisante », ont regretté deux enseignants.

L'école est cependant au centre de la politique de protection de l'enfance avec un réseau qui implique tous les personnels de l'éducation, les services sociaux et de santé, qui tentent de travailler tous dans une collaboration étroite avec la famille.

Les points forts de la prévention, tels qu'ils nous ont été présentés, sont :

  • le repérage précoce des difficultés dès le jardin d'enfants avec l'intervention possible d'un enseignant spécialisé ;
  • la coopération entre le niveau préscolaire (5-7ans) et l'école fondamentale ;
  • le travail d'équipe pour répondre dans la classe quand c'est possible, et dans l'école en général aux difficultés rencontrées par les élèves, grâce à la collaboration de l'enseignant, de l'assistant d'éducation et des enseignants spécialisés.

Tout est fait pour que soit mise en œuvre la prévention telle que la concevait Jacques Lévine : « Nous avons à inventer les stratégies et détours nécessaires pour développer des enfants pas pareils au départ, qui ne seront pas nécessairement pareils ou égaux au terme du parcours, mais à qui auront été données, entre temps, des chances pareilles en matière de compétences diversifiées ».[11]

L’enseignement fondamental : de 7 à 16 ans (PERUSKOULU)

 

L'enseignement fondamental est organisé par les communes et financé par l'État. A vocation généraliste, il est obligatoire et gratuit, et comprend l'école primaire et le collège.

Il existe une loi et un décret relatif à l'enseignement fondamental.[12]

« L'objectif de l'enseignement fondamental est de soutenir les élèves dans leur croissance vers une pleine humanité et une citoyenneté éthiquement responsable tout en leur donnant les connaissances et les compétences nécessaires pour la vie. L'enseignement doit faire progresser la culture et l'égalité dans la société et accroître les possibilités des élèves de participer à une formation ultérieure et de se développer eux-mêmes au cours de leur vie. Il vise également à garantir une égalité suffisante face à l'éducation partout dans le pays. »

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Il n'y a aucune sélection, ni à l'entrée, ni au cours de cette longue période. Le redoublement est inexistant, sauf s'il est demandé par les parents.

Dans les écoles que nous avons visitées, les effectifs des petites classes étaient d'environ 20 élèves, et les effectifs pouvaient être de 32 élèves dans les plus grandes classes, avec toujours deux adultes dans la classe.

L'année scolaire comporte 190 journées scolaires entre mi-août et début juin.

Durant les années 1 et 2, la semaine comporte 19 leçons de 45 mn.

Durant les années 3 et 4, la semaine comporte 23 leçons de 45 mn.

Durant les années 5 et 6, la semaine comporte 24 leçons de 45 mn.

Durant les années 7 à 9, la semaine comporte 30 leçons de 45 mn.

Les matières de l'enseignement fondamental sont :

Langue maternelle (le finnois, le suédois ou le same parlé en Laponie) et Littérature

 

Langue 1 : suédois ou anglais

Langue 2 : anglais ou suédois (ou français ou autre, suivant la demande et la possibilité)

Mathématiques

Connaissances de l'environnement

Biologie et géographie

Physique et chimie

Education sanitaire

Histoire des religions / cours d'éthique

Histoire et sciences sociales

Musique

Arts plastiques

Travaux manuels

Education physique et sportive

Travaux ménagers

Orientation pédagogique de l'enfant

Matières optionnelles : musique, sports, beaux-arts...

 

Le matin et l'après-midi, avant et après l'école, les communes organisent des activités facultatives pour les classes 1 et 2.

« Ces activités soutiennent l'action éducative entreprise à la maison et à l'école, contribuant au développement de la vie affective et à la croissance, à l'éducation éthique de l'enfant ; elles favorisent son bien-être et offrent des occupations encadrées très variées. »

L'hétérogénéité des âges des élèves réduisent les problèmes de comportement des collégiens, selon les enseignants finlandais. Quand, dans le même couloir, on a l'équivalent d'une classe de CP, une classe de CE2 et un CM2 qui côtoient deux classes de collège, il y a une régulation des comportements, « c'est un peu comme à la maison, comme dans une famille » nous dit Susanna.

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L'enseignant spécialisé (Eritysopettaja)

 

On compte un enseignant spécialisé pour 300 élèves (moyenne nationale)[13].

A l'école d'Arabia, dans la banlieue d'Helsinki, il y avait :

  • un enseignant spécialisé qui centrait ses interventions sur de la prévention et une aide au niveau du langage oral pour les 90 enfants du jardin d'enfants et de l'école préélémentaire ;
  • deux enseignants spécialisés pour les 300 élèves de l'école fondamentale. Dans une autre école du centre-ville d'Helsinki, il y avait deux enseignants spécialisés pour les 386 élèves (un qui était présent les cinq jours de classe, un autre seulement quatre jours).

Si les enseignants spécialisés sont si nombreux, c'est parce que le système finlandais a décidé de ne pas médicaliser les difficultés scolaires, mais d'apporter des réponses prioritairement pédagogiques.

Ces enseignants ont suivi une formation complémentaire d'un an à l'Université avec un tronc commun, et des options en fonction du public auquel ils se destinaient.

Les écoles finlandaises organisent une aide individualisée pour tous les élèves en difficulté. Un assistant présent dans la classe peut apporter de l'aide aux élèves.

Dans une classe de 7-8 ans, une assistante nous a dit avoir porté une attention plus spécifique à neuf enfants ; quand les difficultés de l'élève persistent, l'enseignant fait une demande d'aide à l'enseignant spécialisé. Les demandes d'aides sont examinées par un « groupe de soutien » qui comprend le directeur ou son adjoint, le psychologue scolaire, les enseignants spécialisés, l'infirmière, l'assistante sociale.

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Les textes officiels précisent : « L’individualisation de l’enseignement est possible (après concertation avec les parents) pour une durée limitée, la règle étant le retour au groupe d’âge ».

Un « plan individuel d'éducation » est alors proposé, qui précise la nature des difficultés, et qui énonce les principes selon lesquels les progrès de l'élève seront évalués. Auparavant, c'est l'enseignant spécialisé qui rédigeait le projet d'aide, mais les lois ont changé, et maintenant, c'est l'enseignant qui doit écrire ce plan individuel dans lequel l'enseignant spécialisé a aussi sa place.

Le souci est de s'appuyer sur les points forts et de valoriser les réussites de l'élève, de façon à renforcer l'estime de soi et favoriser la motivation et les initiatives de l'enfant lui-même.

L'enseignant spécialisé travaille de une à trois fois par semaine avec les élèves en fonction des difficultés, dans une salle spécifique, bien repérée dans l'école.

Il y a quelques années, on demandait aux enseignants spécialisés de travailler dans les classes, mais on est revenu sur ce type d'interventions car elles ne répondaient pas aux besoins des élèves. « Il ne faut pas s'enfermer dans un fonctionnement » nous a-t-on dit.

Les deux enseignantes spécialisées d'une école nous ont dit avoir créé un groupe avec des élèves en grande difficulté qu'elles prennent ensemble, en co-intervention pendant deux heures, et qu'elles ont appelé « parking ». Le mot peut paraître ambigu, mais sur le chemin des apprentissages, on peut aussi faire des pauses.

J'ai pu assister à une séance d'aide spécialisée pour deux enfants. L'enseignante nous dit que chaque séance est découpée en quatre temps d'une dizaine de minutes. Pour ceux que j'ai vus

  • une lecture ;
  • puis, chacun des enfants choisit une fiche parmi les quatre qu'elle met à leur disposition, avec des niveaux de difficulté différents, sans que l'enseignante spécialisée influence le choix. Elle les observe, elle va de l'un à l'autre, apporte son aide si elle est sollicitée ;
  • ensuite, elle les invite à se mettre d'accord pour choisir un jeu sur une étagère. Elle interviendra pour réguler leurs relations durant le jeu ;
  • ils finiront la séance à l'ordinateur avec un jeu qui mobilise leurs connaissances en finnois (vocabulaire, grammaire, conjugaison), à chaque réussite, ils disent « yes » en accompagnant ce mot d'un geste du bras... ce code est décidément international !

Les enseignants spécialisés ont une formation proche des anciens Rééducateurs en psychopédagogie qui travaillaient dans les GAPP[14] dans les années 70-80 (des études supérieures de finnois axées sur la maîtrise de la langue, des apports en orthophonie, neurologie, de la psychologie, de la pédagogie).

Je me suis demandé pourquoi ils n'avaient pas d'enseignants spécialisés qui utilisaient des médiations plus corporelles, comme ont pu le faire en France les RPM[15].

Plusieurs hypothèses :

  • la relation au corps entre adultes et enfants n'est pas la même que celle que nous instaurons dans nos écoles, il y a davantage de contacts physiques, un véritable étayage au corps est visible dans les relations, et l'espace contenant proposé aux enfants passe par le contact physique. C’est paradoxal, puisque dans la société finlandaise, il y a peu de contacts physiques entre adultes dans l’organisation sociale. Il semblerait donc que ce soit différent à l’égard des enfants… ;
  • les espaces de jeu permettent aux enfants de se mobiliser au niveau du corps dans tous les espaces de vie en Finlande, à l'école, dans les villes... même dans les aéroports ;
  • les activités sportives tiennent une place très importante tout au long de la croissance (jardins d'enfants, école préélémentaire, école fondamentale), et elles peuvent s'exercer toutes les 45mn pendant les pauses obligatoires, et tous les après-midi dans les centres de loisirs (fin des cours à 14h)...

A des degrés divers, un tiers des élèves peut prétendre avoir été aidé par un enseignant spécialisé durant sa scolarité :

  • 22% ont bénéficié d'une aide spécialisée comme celles qu'apportent les rééducateurs et les maîtres d'adaptation en France, le mot fréquemment utilisé est celui de « remédiation »
  • 6% ont fréquenté une classe spécialisée (à long terme ou sur un temps plus court) dans des écoles ordinaires
  • 2% sont dans des établissements spécialisés.

Les effectifs indiqués sont en pourcentage de l'effectif total des élèves de l'éducation fondamentale.

En cas de difficultés sévères, de situation de handicap, ou de maladie, l'élève peut bénéficier d'un enseignement spécialisé dans une classe spécialisée ou dans une institution. Une prochaine réforme va diminuer ces établissements spécialisés pour tendre vers une plus grande intégration.[16]

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L'accueil des élèves en situation de handicap

Une réforme est en cours car il existe encore beaucoup d'établissements spécialisés, et le gouvernement vise l'intégration croissante des élèves en situation de handicap dans les classes ordinaires. Tout le monde semble inquiet, les enseignants spécialisés craignent les fermetures d'établissement, et les enseignants des classes craignent une intégration forcée pour des élèves en très grande difficulté.

Un effort conséquent est à conduire pour faciliter l'accès des fauteuils roulants, mais il est déjà facilité depuis plusieurs années dans les constructions récentes. Par exemple, à l'école du quartier d'Arabia, il y a des rampes d'accès à tous les étages.

A Vantaa, une école spécialisée accueille des enfants et des adolescents qui ont des troubles des apprentissages. Lorsque les stagiaires de l'IUFM ont visité l'établissement avec la Directrice, le mot handicap n'a jamais été prononcé. Il régnait une grande sérénité dans l'établissement, et la présence des adultes est vécue comme sécurisante.

La mise en place d'un soutien très « particulier »

Alors que nous étions à Helsinki, un article dans le journal faisait part d'un programme que j'ai trouvé assez discutable. On proposait à des personnes veuves de suivre un élève ou un groupe de 3 à 5 élèves pour les écouter, discuter avec eux, les aider, faire des maths et de l'anglais...

Ce programme devrait permettre

  • d'aider les enfants qui ont besoin de soutien
  • d'aider les personnes veuves à ne pas sombrer dans la dépression
  • de créer plus de compréhension et d'entente entre les générations.

Les enseignants que j'ai interrogés n'étaient pas au courant et je n'ai pas pu savoir quel serait l'accompagnement en termes de formation, de suivi de ces personnes.

On ne brade pas la relation d'aide !

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Du jardin d'enfants au collège : l'école d'Arabia

La question des passages ne se pose plus, les enfants passent leur scolarité dans un lieu de vie qui les accueille de 1 à 15 ans environ. Il y a une continuité de vie dans cette maison d'école, avec des espaces propres aux différentes tranches d'âge, et des espaces partagés. C'est un peu comme à la maison, les plus petits croisent les plus grands, il y a une mixité des âges.

Les enfants de maternelle (5-7 ans) sont en début de matinée et en fin d'après-midi dans le jardin d'enfants, mais ils passent la fin de matinée et le début d'après-midi à l'école fondamentale. C'est là aussi qu'ils prennent leur repas, parmi les plus grands. Dans cette école fondamentale, leur salle est à côté d'une classe 1 (CP) et très proche d'une classe de collège. Et ils invitent régulièrement des groupes du jardin d'enfants à venir voir leurs réalisations. Les passages sont organisés, mais fréquents. Il y a une continuité dans la scolarité qui renforce la continuité d'être.

L'enseignement secondaire supérieur

Les élèves y fréquentent le lycée, les établissements d'enseignement professionnel. Il existe une loi et un décret relatif à l'enseignement secondaire supérieur, qui fixe les « objectifs programmatiques ». Il n'y a pas de classes, mais des cours modulaires qui permettent aux jeunes de faire leur cursus au lycée entre deux et cinq ans, mais la plupart le font en quatre ans. Ce sont les élèves qui choisissent leur cursus.

« L'enseignement au lycée a pour but de donner aux étudiants une bonne culture générale et de constituer une base solide pour les études ultérieures. Au cours de ces dix dernières années, la structure du lycée a été perfectionnée de manière à la rendre plus flexible et plus motivante, en privilégiant les choix individuels »,déclarait Antti Kalliomäki, ministre de l'Education en 2006.

Néanmoins, au vu des observateurs, le lycée est le bastion d'un certain conservatisme pédagogique, d'un « élitisme sans complexe » nous dit Paul Robert (2008), avec des épreuves sélectives à l'entrée.

Ensuite, à 19 ans, les jeunes hommes font obligatoirement neuf mois de service militaire en Laponie. Ils ont passé leur concours d'entrée à l'université à la sortie du lycée et leur place leur sera réservée. Les filles peuvent aussi demander aussi à faire le service militaire.

Pourquoi le « système éducatif finnois » donne-t-il de meilleurs résultats au PISA?

Je reprends ici des extraits d'une étude d'un universitaire finlandais : Taksin Nuoret, 2010 [17]:

« Depuis décembre 2001, date à laquelle les résultats des premiers tests PISA furent rendus publics, le système éducatif finlandais a focalisé l'attention internationale. Les délégations étrangères viennent en masse en Finlande, dans l'espoir de percer les secrets de ce pays.
L'explication communément acceptée est que le système éducatif finlandais est meilleur. Par exemple, les aspects suivants ont été mis en avant:

  • Les écoles pratiquent couramment le tutorat pour les élèves faibles ;
  • Chaque école dispose d'une assistante sociale ("koulukuraattori") ;
  • En cas de maladie, les professeurs ont souvent un remplaçant ;
  • Les professeurs sont rarement en grève ;
  • Les méthodes d'enseignement de la langue maternelle sont solides. Les élèves finnois de CP apprennent à lire en commençant par les lettres, puis les syllabes, puis les mots, puis les phrases. Par exemple, tout au long du CP (et de la plus grande partie du CE1), les mots sont souvent imprimés avec les syllabes séparées par des traits d'union [1]. Les méthodes aventureuses (telles que celles qui consistent à partir des mots ou phrases dans leur globalité) ne sont pas utilisées ;
  • Les écoles ont davantage d'autonomie que dans beaucoup de pays. Par exemple, les écoles peuvent renvoyer des professeurs si elles ne sont pas satisfaites de leur travail.

Des explications non liées au système éducatif ont aussi été proposées, y compris celles-ci:

  • La société finlandaise est homogène. Le nombre d'étrangers est moindre que dans la plupart des pays de l'OCDE (2,9% à la fin de 2009), ce qui facilite le travail des professeurs ;
  • L'orthographe du finnois est régulière, facilitant ainsi la tâche des élèves finnois ;
  • Les programmes de télévision étrangers sont sous-titrés, au lieu d'être doublés comme dans beaucoup de pays de l'OCDE, facilitant ainsi l'apprentissage des langues étrangères.

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Bien que des explications, non liées au système éducatif finlandais, soient parfois mentionnées, celles inhérentes à ce système sont celles qui sont le plus mises en avant par les médias, aussi bien en Finlande qu'à l'étranger.

Beaucoup en Finlande, y compris moi-même, ont été enclins à accepter l'explication confortable selon laquelle le succès de la Finlande au PISA est dû principalement à son système éducatif. (...) »

Mais Taksin Nuoret propose une autre hypothèse :

« Ainsi que brièvement mentionné dans l'introduction, l'orthographe du finnois est régulière. En d'autres termes, la correspondance entre lettres et phonèmes est étroite: en général, un phonème correspond à une lettre, et une lettre à un phonème. Ainsi, un Finnois entendant un mot inconnu sait l'orthographier, et un Finnois lisant un mot inconnu sait le prononcer.

Dans ces conditions, n'est-il pas clair que l'orthographe est le facteur décisif?

Force est d'admettre que, toutes autres choses étant égales par ailleurs, une orthographe régulière facilite la tâche: les élèves n'ont pas à consacrer beaucoup de temps dans leur

cursus pour apprendre à lire et écrire correctement. (...)

La morphologie du finnois : comme beaucoup de langues, le finnois peut former de nouveaux mots à partir de racines de deux façons: composition et dérivation.

Un exemple de la richesse de la dérivation en finnois:

  • 'kirja' - 'livre'
  • 'kirjailija' - 'écrivain'
  • 'kirjaimisto' - 'alphabet'
  • kirjain' - 'lettre' (de l'alphabet)
  • 'kirjallinen' - 'écrit; littéraire'
  • kirjallisuus' - 'littérature'
  • 'kirjanen' - 'brochure, livret'
  • 'kirjasto' - 'bibliothèque'
  • 'kirjata' - 'noter, prendre note de'
  • 'kirje' - 'lettre' (document)
  • 'kirjoittaa' - 'écrire'
  • 'kirjoittaja' - 'personne qui écrit'
  • 'kirjoittaminen' - 'le fait d'écrire'
  • 'kirjoitus' - 'écrit' (subs.)
  • kirjoituttaa' - 'faire écrire'
  • 'kirjuri' - 'scribe' (...)

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Conclusion et perspectives de TaksinNuoret, 2010 :

« Le succès de la Finlande au PISA résulte probablement de la combinaison complexe de plusieurs facteurs. Les comparaisons entre les résultats des élèves finnophones et suédophones en Finlande montrent que la langue joue un rôle plus important que ce que la plupart des commentateurs suggèrent.

J'ai mentionné des explications possibles quant à l'avantage donné par la langue finnoise: transparence orthographique, riche morphologie dérivationnelle, et morphologie transparente.
J'ai essayé de montrer pourquoi je pense que la richesse de la morphologie dérivationnelle et la transparence de la morphologie jouent un rôle plus important que la transparence orthographique.
Il serait intéressant de voir plus d'études sur l'impact de la morphologie (du finnois) sur l'apprentissage. »

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L'école comme une « maison »

Selon Jacques LEVINE, « Pour comprendre ce lieu école et y trouver sa place, l’enfant a besoin d’y retrouver des repères identifiables, d’où la notion de maison. Mais pour se séparer de son univers familier et découvrir que son univers peut s’agrandir, il a besoin aussi de nouveaux repères, d’où la notion d’école. »

D.W. WINNICOTT nous invite aussi à créer autour de l'enfant « la mère-environnement », c’est-à-dire un environnement relationnel qui offre des réponses à des besoins psychiques mal satisfaits.

Des espaces habitables

L'effort que j'ai cru percevoir en Finlande était celui de faire des jardins d'enfants et des écoles des espaces « habitables » pour qu'ils deviennent des espaces de réussite pour chacun. Les finlandais nous disent que pour apprendre sans stress, il faut un environnement accueillant et chaleureux.

Les couloirs sont larges et spacieux avec des vestiaires pour les bottes et les vêtements, des casiers individuels pour chacun. Des armoires chauffantes permettent de sécher les vêtements.

 

Un effort est fait au niveau du cadre pour qu'il y ait une continuité entre la maison et l'école.

Les locaux des écoles fondamentales sont généralement spacieux, avec des salles de classe assez basiques, mais aussi de grands halls avec des tables et des chaises, des canapés où les enfants s'installent pour se détendre durant les pauses, pour manger un en-cas, et où les parents s'installent aussi parfois pour attendre leur enfant...

Cela se passe dans les couloirs, pas dans la classe : la qualité des relations à l'école avec les parents permet à l'enfant une continuité d'être, tout en garantissant des frontières ; d'ailleurs beaucoup d'espaces sont fermés à clef, surtout dans l'école fondamentale.

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Au jardin d'enfants d'Arabia, ce sont les enfants qui nomment chaque année les salles qu'ils occupent, et le nom choisi est posé sur la porte pour l'année.

A l'école fondamentale (primaire et collège), les salles de classe peuvent évoquer aussi la variété des pièces d'une maison : une cuisine pour apprendre à faire un repas, un atelier de menuiserie pour réaliser des choses concrètes, des points d'eau, des canapés pour se poser dans les couloirs et la bibliothèque, mais aussi une salle informatique, un atelier musique, une salle de sports...

Les salles de professeurs sont toujours confortables, bien équipées : pour le travail, matériel informatique, de l'information ; mais aussi pour les échanges et la convivialité, canapés, tables, réfrigérateur, machine à café, four à micro-ondes, et lave-vaisselle !

Les enfants des grandes classes (équivalent à notre collège) sont impliqués dans les tâches quotidiennes, comme dans la famille : ils sont de service à la cantine, deux par deux, pendant toute une semaine, de 11h à 13h.

A l'école de Kaisaniemi, des élèves volontaires qui commençaient à apprendre le français nous ont accompagnés pendant toute une journée en se relayant, toujours deux par deux.

Tous ces moments hors classe sont très importants aussi, déclarent les enseignants, car ils permettent de souder la communauté scolaire.

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Les photos pour développer un sentiment d'appartenance

Dans les couloirs, on témoigne aussi de la vie à travers des photos : photos des élèves, des enseignants, des personnages importants dans l'histoire de l'école ou du pays...

Dans toutes les écoles, une photo comme celle-ci rassemble tous les élèves et tous les enseignants, fixant pour une année le groupe d'appartenance. Cette image représente le vivre ensemble, l'être-ensemble dans l'école

D'autres photos affichées dans les classes témoignent des élèves en activité, de l'être-ensemble dans la classe.

Des photos des enfants en réalisation témoignent de ce que fait chacun dans le groupe.

Toutes les photos témoignent de la vie, je n'ai jamais vu de photos dans les écoles où les élèves posent sur deux ou trois rangs dans une mise en scène un peu figée.

Lors d'une réunion de travail le 8 mars 2005, Jacques Lévine déclarait qu'à travers une photo de classe, « les élèves se sentaient reliés à la classe, membre de la classe. C'est-à-dire où tu es sur cette photo, qui est à côté de toi, donc il y a à créer quelque chose d’emblématique, à créer du groupal. » Puis parlant des albums où l'enfant peut rencontrer sa photo : « l’album c’est le fait d’appartenir à plusieurs appartenances qui fait qu’on n’est pas prisonnier d’une appartenance. L’enfant appartient à sa famille, il appartient à la classe, aux camarades, cela fait trois ronds et à partir de là, il peut aussi être en dehors de ces trois ronds, il peut les regarder d’une autre place, et il se sent lui, il appartient à tous ces groupes mais il peut s’en dégager, s’y engager, pour cela il faut qu’il ait une place excentrée.

On verra aussi que faire de la photo, c’est une façon d’échapper, de se mettre en position de celui qui encercle toutes les autres. » 

Dans le couloir principal, les photos des présidents sont-elles là aussi pour que l'enfant se situe dans une histoire nationale ?

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Une certaine conception de l'enseignement

« A l'école, nous apprenons la vie à nos élèves » nous dit une enseignante.

Nous avons eu l'impression d'une culture pédagogique un peu différente de la nôtre, même si les programmes peuvent se ressembler. Nous n'avons rien vu d'extraordinaire dans l'enseignement, mais c'est la relation qui semble privilégiée, avec une approche plus globale du sujet. L'enseignement se fait le plus souvent par imprégnation : l'enseignant montre un modèle que l'élève reproduit. Il est peu fait appel à la créativité, mais on laisse aux élèves leur propre temps.

Il est manifeste que les enfants y occupent une place centrale ; toute l’institution s’oriente à partir d’eux et non l’inverse… Chaque enfant, chaque adolescent est pris en compte et mérite d’être encouragé, promu et soutenu tout au long de sa formation et au-delà. Les problèmes de performances ou les difficultés pour apprendre doivent recevoir une réponse positive individualisée.

Les élèves doivent devenir capables d’affronter et de surmonter les défis futurs. C’est dans une telle perspective que les enseignants se considèrent de moins en moins comme « instructeur », mais de plus en plus comme « accompagnateur » d’un processus d’apprentissage vers l’autonomie, l’intégrité et la responsabilité.

Au sein des écoles, la liberté pédagogique est très grande. C'est l'école qui fixe les progressions dans chaque matière.

La conquête de l'autonomie, une « valeur finlandaise » ?

« L'hiver, quand on est bloqué au milieu de nulle part, il faut savoir se débrouiller seul », déclarent les finlandais. C'est pour cette raison que l'éducation vise à leur donner une formation pour qu'ils puissent se débrouiller dans toutes les situations et apprennent à se passer des adultes. Les dispositifs mis en place dans la classe visent à développer les capacités d'initiative de l'élève.

Dès leur entrée à l'école fondamentale, garçons et filles apprennent à travailler le bois, le fer, ils apprennent à cuisiner, coudre, tricoter, et ce, dès l'école élémentaire. Il s'agit de permettre à l'enfant de s'adapter aux circonstances, à ce que Jacques Lévine appelait l'Autrement que Prévu, et qui est inhérent à la vie.

Au jardin d'enfant, Helka, 3 ans, va s'inscrire, seule, à une activité avant de s'y installer ; elle prend une pince à linge sur laquelle est écrit son prénom et va le mettre sur la photo de l'activité choisie. Sur les autres pinces à linge, on peut voir un prénom assorti d'un pictogramme, celui-ci est enlevé dès que l'enfant reconnaît son prénom sans ce support visuel. 

« On n'apporte pas d'aide à une personne, enfant ou adulte, si elle ne sollicite pas cette aide. Cela peut être humiliant de se faire aider, c'est faire vivre qu'on ne peut pas s'en sortir seul !».

C'est une valeur sur laquelle nous avons à réfléchir quand nous voyons des résistances aux propositions d'aide. Entrer dans la logique de l'autre nécessite aussi que nous prenions en compte le contexte dans lequel nous évoluons.

Des élèves actifs et impliqués : nous avons vu des débuts de cours qui se présentaient sous une forme magistrale, puis très vite, les élèves sont sollicités pour conduire des activités seul ou en petit groupe. Les enseignants et les assistants d'éducation sont des personnes-ressources que les élèves peuvent solliciter.

Tout est mis en place pour éduquer l'enfant à la responsabilité et à l'autonomie, en lui permettant de mettre en œuvre une démarche d'investigation personnelle qui débouche sur une expérience de réussite.

Les adultes organisent, créent des situations d'apprentissage, ils aident les élèves à apprendre, ils les placent dans des situations d'acteurs, ils les guident dans une atmosphère de respect et de tolérance, soulignant toujours les réussites. Ils instaurent des rapports de confiance en mettant en avant l'auto-évaluation.

Le système finlandais nous montre que même si le groupe est important, l'enfant conquiert aussi progressivement la capacité d'être seul en présence de l'autre. On ne devient pas autonome tout seul ! Plus l'enfant est autonome, mieux il est en mesure de développer ses apprentissages, et plus il apprend, plus il peut gagner en autonomie... Par leur attitude, nous avons vu des adultes qui invitaient les élèves à vivre leur activité sans avoir besoin des repères posés verbalement à chaque étape. La confiance des adultes, leur présence distanciée joue parfaitement un rôle d'accompagnement interne.

Ce que nous avons pu voir dans les classes est observable aussi dans la société finlandaise. Bertolt Brecht déclarait que les Finlandais se taisent en deux langues ! Nous avons pu avoir l'impression d'une certaine réserve dans les relations sociales, mais dès que nous avons pris l'initiative de la rencontre ou sollicité une aide, demandé un renseignement, tout le monde s'est empressé de nous répondre.

Autre temps, autre lien : au pays de Nokia, le téléphone portable est un lien incontournable !

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La prise en compte de l'hétérogénéité

On ne voit jamais une classe homogène, mais des groupes au travail. On peut même voir des groupes constitués à partir de plusieurs classes avec une grande flexibilité facilitée par les moyens humains et matériels : le fait d'avoir pour chaque classe un enseignant et un assistant d'éducation et d'avoir une pause de 15mn toutes les 45mn, par exemple.

Au jardin d'enfants, les groupes sont homogènes aussi : des enfants de 1 an jusqu'à 3 ans, puis les enfants de 3 à 5 ans qui ont d'autres besoins.

Les enseignants déclarent que renoncer au groupe homogène aiguise le regard porté sur chaque enfant ou adolescent. Les différences vont de soi, et de ce fait, ils sont obligés de regarder chacun.

Les enseignants disent qu'ils ont beaucoup de questions des parents sur le bien-fondé de cette organisation. Les programmes sont le plus souvent individualisés, même à l'intérieur d'un groupe.

L'enseignant fait le point régulièrement avec chaque élève, mais pas au quotidien. L'enfant procède à son rythme et, par exemple après une leçon, chacun choisit l'exercice qu'il fera. Les manuels scolaires intègrent cette composante car chaque leçon comporte plusieurs niveaux de difficulté, un peu à la manière des fichiers que propose chez nous la pédagogie Freinet.

Selon Jacques Lévine, l’hétérogénéité est un défi majeur de l’école :

« Le problème à résoudre est, en effet, celui de la gestion d’enfants très divers que des distances interplanétaires séparent très souvent, en raison de leur histoire, de leur organisation mentale, de leurs différences en matière émotionnelle et de solidité du Moi. L’hétérogénéité concerne le cognitif, mais aussi la socialisation, la cohabitation, les images de soi, les zones de souffrance et de bonheur, avec lesquelles les enfants arrivent en classe. Malheureusement, on n’a pas compris, et l’on ne comprend toujours pas, l’importance de ses propositions.

Freinet a constamment cherché à la fois à démassifier la classe, à l’ouvrir sur l’extérieur et à diversifier les activités, de telle sorte que chacun puisse trouver des plates-formes de réussite qui lui donnent un statut « d’interlocuteur valable ».

D’où son souci de repérer, chez chacun, les potentialités déjà manifestées ou en train de se manifester. D’où la multiplication des « brevets ». La notion de fond qui a motivé sa recherche de diversification tient à sa conception du rapport des différents enfants de la classe au langage écrit. D’une part, tous n’ont pas la même capacité de l’intégrer d’emblée et l’on produit des catastrophes lorsque l’écart entre les exigences scolaires et les possibilités de l’enfant est trop grand; d’autre part, le rôle de l’école est, autant que de transmettre la maîtrise du langage écrit, de développer les ressources autres, aussi bien sur le plan du cognitif que des réalisations, des relations et des talents personnels. Malgré tous les discours sur l’hétérogénéité des enfants, on continue de ne pas prendre en compte ces diverses directions du développement, on continue de faire de l’écrit le seul couperet de sélection, et ainsi que Freinet l’avait bien pressenti, l’institution, sous prétexte de démocratie, pratique un alignement élitiste qui empêche l’utilisation de voies suffisamment diversifiées »[18].

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Le suivi longitudinal d'un groupe d'enfants sur plusieurs années

La prise en compte de l'hétérogénéité est facilitée par le fait que beaucoup d'enseignants suivent le même groupe d'enfants sur plusieurs années, par exemple sur la durée d'un « cycle » si nous comparons à notre système. On peut plus facilement laisser aux élèves le temps de leur propre croissance.

Je reprends ce que Jacques Lévine écrivait encore dans « Le Nouvel éducateur »[19] :

« Pour Freinet, toute classe ne prend sens qu’en tant que moment de croissance. Manifestement, le temps auquel il pensait n’est pas seulement celui de l’annuité, où chaque année de classe est coupée des précédentes et des suivantes, mais celui du développement à long terme. Et cette distinction change profondément le regard que l’on porte sur chaque enfant. Ce qu’on observe sur le plan cognitif ou comportemental prend une tout autre valeur selon qu’on l’insère ou non dans une trajectoire plus vaste du développement.

Une classe est un lieu de passage d’un âge à l’autre, d’un statut social et cognitif à un autre. On ne gère pas les conflits de la même façon selon qu’on est impatient en pensant au passage dans la classe suivante ou en envisageant ce dont l’enfant a besoin pour le long terme. Et cela oblige également à réfléchir sur le fait que toute classe est un lieu de conflits entre des projets de vie souvent divergents : ceux de l’enfant, à un moment donné, et ceux que l’école exige de lui. C’est donc un lieu où se fait l’expérience de l’accommodation réciproque.

L’enfant est constamment entre la nostalgie du statut des âges d’avant et l’élan de la croissance. Entre le rejet de l’autorité d’autrui, et la co-habitation constructive avec autrui. D’où nécessité, pour le maître, d’être le représentant de ce double désir, l’un qui tire en arrière ou ailleurs, l’autre qui fait adhérer à l’ici et maintenant pour le plus tard. L’enseignement n’était pas, pour Freinet, un métier au rabais de simple applicateur ou de simple transmetteur, mais un métier d’inventivité. En quoi il n’était pas loin de la conception que développait, à la même époque, un psychologue russe, Vygotski, dont l’un des principes pédagogiques majeurs est celui de la « zone proximale de développement » : l’enseignant doit être en même temps au plus près de ce dont l’enfant est capable et au plus près de ce dont il pourrait devenir capable. ».

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L'accueil des enfants issus de l'immigration

L'immigration était moins élevée en Finlande que dans la plupart des autres pays européens, mais les choses sont en train de changer.

Nous pouvons espérer que la loi qui s'applique aujourd'hui continuera à s'exercer : « Chaque personne a droit au respect fondamental de ses croyances, de sa langue, et de sa culture, qui fondent son identité et représentent, si l'on veut bien y prêter un regard non prévenu, une réelle richesse. A quoi servirait de vanter la diversité si celle-ci ne passait que par une assimilation forcée aux codes et aux coutumes du pays d'accueil », écrit Paul Robert[20].

Nous avons vu quelques jeunes filles voilées dans les collèges, et ça ne posait aucun problème, pas plus que les capuches sur la tête de certains élèves. Dans cette école fondamentale on ne craint pas les fanatismes et les extrémistes, car les enseignants donnent à leurs élèves des cours d'éthique et de religion où les différences peuvent être parlées.

Les finlandais attachent beaucoup d'importance à l'enseignement de leur langue maternelle aux enfants issus de l'immigration et la ville d'Helsinki emploie des enseignants itinérants dans 40 langues différentes. On en compte 52 dans l'ensemble du pays.

Mme Eeva Penttila, directrice des relations internationales déclarait : « Si nous voulons parler de nos émotions, de nos peurs et de nos espoirs, nous avons besoin de nos mots intérieurs, c'est à dire de notre langue maternelle ».

Il existe aussi des classes pour les élèves étrangers non finnophones.

Nous avons évoqué la scolarisation des enfants samis, population lapone. Les enseignants nous ont déclaré que ce qui faisait problème il y a vingt ans n'existait plus aujourd'hui...

Le respect des besoins fondamentaux

La Finlande a fait sienne la proposition d'Abraham MASLOW[21], chef de file de la psychologie humaniste, qui prône la prise en compte des besoins fondamentaux de la personne. Pour qu’un individu aspire à la satisfaction d’un besoin, celui qui le précède, dans la hiérarchie doit être au moins partiellement satisfait. Maslow justifie ainsi sa pyramide des besoins : « le but ultime de l'éducation est d'aider la personne à accomplir sa pleine humanité et à réaliser et actualiser ses potentialités les plus élevées. En un mot, l'éducation devrait aider l'individu à devenir le meilleur de ce qu'il est capable d'être, à devenir réellement ce qu'il est profondément à l'état de potentialités ».

C'est bien ce qui est repris dans les instructions officielles en Finlande quand elles visent à « aider les élèves à croître en humanité et à devenir des membres éthiquement responsables de la société ».

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Le premier niveau est celui des besoins physiologiques, liés à la survie, au maintien de la vie. En Finlande, « la santé et le bien-être des élèves font l'objet d'un suivi dans les établissements d'enseignement. Les élèves de l'enseignement fondamental et du deuxième degré ont droit à des soins scolaires gratuits, et tous les jours à un repas chaud et gratuit. » On a un souci du bien-être matériel et physique des élèves pour compenser l'inégalité des situations familiales.

Les enseignants mangent dans le même réfectoire que les élèves, et même à leur table pour ce qui concerne les premières classes de l'école fondamentale. Nous avons vu une fille de 12 ans manger un yaourt, pendant les dix premières minutes du cours de technologie, sans aucune remarque du professeur. Les enfants sont endurcis au froid. Au jardin d'enfants, ils passent une heure dehors le matin et parfois l'après-midi en fonction de leur sieste et de la température extérieure.

Le second niveau est celui des besoins psychologiques :

  • Le besoin de sécurité appelle une protection physique et psychologique, un besoin de structures, de lois, de règles, d’interdits. Cette stabilité est bien à l'œuvre.
  • Le besoin de propriété nécessite d'avoir des choses et des lieux à soi. Chaque enfant, du jardin d'enfant au collège a son casier qui ferme à clé.
  • Le besoin de maîtrise, c'est faire l'expérience que l'on a du pouvoir sur l’extérieur.

Le troisième niveau est celui des besoins sociaux d’affectivité et d’appartenance. C'est pour l'enfant être accepté tel qu'il est, être reconnu, accepté, compris, avoir des amis et un réseau de communication satisfaisant, être relié à un groupe. Les enfants et les adolescents en Finlande participent à l'entretien de l'école, prêtent main forte en cuisine, etc.

Le quatrième niveau est le besoin d’estime de soi, le sentiment d’avoir de la valeur, point de départ de l’acceptation de soi et du développement de l’autonomie.

Le niveau supérieur de la pyramide est le besoin de réalisation de soi. C'est développer ses connaissances, ses valeurs, c'est créer, résoudre des problèmes complexes.

Jacques Lévine nous invitait aussi à prendre en compte les besoins fondamentaux des enfants, et à ceux d'Abraham Maslow, il ajoutait : « Le besoin d’un futur possible et d’un passé non impossible, et le cas échéant, pouvoir parler de ce qui empêche ce futur possible et ce qui a rendu ce passé trop négatif ».

Jacques Lévine insistait aussi sur « le besoin de se sentir producteur de réalisations concrètes (…), le besoin de transitionnalité dans les apprentissages et dans les passages d’un mode de vie à l’autre, donc besoin pour l’enfant, d’être rencontré là où il en est (…), le besoin, sur le plan cognitif, de goûter le plaisir de percer des secrets de production et de fonctionnement des choses, où ils s’entraîneraient à réfléchir aux grands problèmes de la vie, pour être coresponsables du monde de demain. »

Ces trois besoins nous paraissent être bien pris en compte dans l'école finlandaise. Ainsi, notre collaboration nous a permis de faire participer les enfants à des ateliers de philosophie. Si ce dispositif n'était pas connu des élèves, nous avons pu voir que l'espace sécurisant, hors-menace, mis en place par les enseignants, avait bien permis l'émergence de leur parole intime.

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Pour une école des « quatre intelligences »

Les enseignants nous ont déclaré que ce ne sont pas les « belles situations pédagogiques » qui leur paraissent déterminantes, mais plutôt la qualité de la relation qu'ils entretiennent avec leurs élèves, et l'importance de les mobiliser dans ce que Howard Gardner appelle les intelligences multiples.

Nous avons vu la mise en œuvre de ce que Jacques Lévine appelle l'école des « quatre langages » ou des « quatre intelligences ». Il nous invite à substituer une approche pluri-nutritionnelle à une approche mono-nutritionnelle.

Nous avons pu voir que l'école finlandaise, qui permet aux élèves de réussir, donnait toute leur place aux formes suivantes d’intelligence :

  • une approche intelligente du langage écrit ;
  • une valorisation des réalisations concrètes : « on se construit en construisant ». Pour les enfants « concrets » qui sont probablement majoritaires, la réalisation pratique est le moyen naturel d’accéder à la pensée abstraite. C’est le meilleur moyen de la valoriser ;
  • une réflexion sur les relations, à travers la parole qui est privilégiée entre adultes et enfants, entre enfants, entre adultes ;
  • l'inventivité à travers les curiosités scolaires ou extrascolaires, et les talents personnels qui peuvent s'exercer à travers les activités corporelles, manuelles, scientifiques, domestiques...

L'appui sur le groupe

La prise en compte de l'hétérogénéité et l'importance accordée au groupe dans les écoles finlandaises rejoignaient ce que j'avais compris de l'invariant n°21 de Célestin FREINET[22] : «L'enfant n'aime pas le travail de troupeau auquel l'individu doit se plier, il aime le travail individuel ou le travail d'équipe au sein d'une communauté coopérative ».

Apprendre est un acte individuel qui est pensé dans une communauté d'apprenants, une « communauté de chercheurs », nous dit Jacques LEVINE.

Pour les enfants

L'approche pédagogique est basée sur le socioconstructivisme de Vygotski qui accorde une grande importance à la dimension sociale et relationnelle.

C'est ce que préconise le programme national publié en 2004 : « L'apprentissage qui intervient à travers la coopération interactive favorise l'apprentissage individuel ».

C'est ce que nous ont dit les enfants aussi à travers le dispositif « Si on rêvait » que je présenterai ultérieurement. Ils ont choisi des images où l'on voyait des enfants jouer en groupe, et ont rejeté l'image d'un cosmonaute seul dans l'espace. L'idée leur en était insupportable.

Les dispositifs mis en place permettent aux élèves de prendre un peu de distance vis-à-vis des adultes, mais en s’étayant sur le groupe des pairs. Dès les classes préscolaires, nous avons vu que les enseignants faisaient travailler les enfants sur des relations sociales et la résolution de conflits.

Dans les classes, toutes les tables sont disposées par îlots de quatre tables.

On développe dans les écoles un sentiment d'appartenance qui est nourri par les évènements. Par exemple, lors de notre arrivée à l'école de Kaisaniemi, nous avons été accueillis par l'ensemble des élèves et des profs : une chanson finlandaise, une chanson française, et un mot d'accueil pour dire qui nous étions, pour que tous nous identifient et nous ouvrent les portes.

Les temps de pause (quinze minutes tous les trois-quarts d'heures) sont des moments de socialisation importants. Les enfants sortent des classes mais ils peuvent rester dans les couloirs, sortir dans la cour. La multiplicité des lieux permet aux élèves d'investir de multiples espaces avec des activités variées (manger, dessiner, bavarder, jouer au hockey, faire des glissades, lire sur un canapé...).

J'ai vu très peu de miroirs dans les jardins d'enfants et les écoles, est-ce parce que l'important est le miroir du groupe ?

Pour les enseignants

Le travail en équipe est la règle, la coopération sous toutes les formes est très largement pratiquée et encouragée (entre élèves, entre parents et école, les écoles entre elles, entre l’école et la commune).

A un autre niveau, les syndicats du premier et du second degré ont fusionné, signe du rapprochement des deux corps du premier et du second degré, même si les enseignants des écoles sont toujours polyvalents, avec l'apport de professeurs spécialisés à hauteur de 1 pour 100 élèves environ. Il est fréquent qu'ils suivent leurs élèves pendant plusieurs années. Ils enseignent 24 séquences de 45 minutes, plus la surveillance des interclasses, la participation aux réunions pédagogiques et trois journées de formation par an, sur le temps libre. La progression salariale se fait au même rythme pour tous.

Le métier d'enseignant est considéré par la population : "Les enseignants sont des experts auxquels on peut faire confiance".

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Le temps, les rythmes

La journée de classe est organisée avec le souci de respecter les rythmes biologiques des enfants, il y a à la fois :

  • le respect d'un cadre fixe (trois-quarts d'heure de classe, un quart d'heure de pause)
  • une grande souplesse à l'intérieur de ce cadre contenant.

Comparons les temps de récréation :

FranceFinlandeA l'âge de l'école maternelle30 minutes par demi-journée1 heure par demi-journéeÀ l'âge de l'école élémentaire15 minutes par demi-journée15 minutes par heureA l'âge du collège5 minutes par heure15 minutes par heure

 

Selon Paul Robert[23], au moment où les élèves passent les évaluations PISA, l'écolier français a eu 200h de cours de plus que son camarade finlandais ! Ajouter des heures de cours, fussent-elles de soutien, ne semble pas être un gage de réussite !

Une autre règle au niveau des apprentissages est de respecter le rythme de chaque enfant.

Paul ROBERT (2008) : "Pour nous, c'est déroutant, nous qui ne sommes pas tous toujours convaincus qu'instruire et éduquer se mènent ensemble. Mais notre tradition visant à dépersonnaliser les compétences du professeur ne serait pas comprise en Finlande : on attend du professeur qu'il soit une "personne complète", pas une réalité désincarnée n'existant que dans l'imaginaire administratif... L'aide et l'empathie sont en Finlande au cœur du métier, comme la dimension interpersonnelle de l'éducation..." Conséquence : "on voit nombre de professeurs attendre que l'élève soit prêt à apprendre, et y consacre alors le temps nécessaire... On accepte les différents rythmes des élèves..."

La disponibilité de l'adulte reste entière et ne génère pas de stress. On laisse à l'enfant le temps dont il a besoin avec essais, et droit à l'erreur.

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Une certaine conception de l'évaluation

La logique du système scolaire finlandais se base sur une culture de la confiance, et l’auto évaluation, l'autorégulation l'emporte sur le contrôle. Toute forme de classement et de comparaison est proscrite.

Leur philosophie de l'évaluation repose sur certains principes :

  • créer un cadre sécurisant
  • penser les indicateurs de progrès qui permettent de renforcer l'estime de soi de l'enfant
  • donner des outils pour progresser
  • faire confiance à la capacité de chacun d'évoluer dans un sens favorable pour lui-même et la communauté
  • ne pas se centrer sur le court terme, mais envisager l'évolution dans le long terme.

Nous avons vu en mathématiques par exemple une correction d'exercices qui se faisait d'une manière collective.

L'enseignante ne sollicitait que les élèves qui levaient le doigt pour répondre. Jamais elle n'a quitté son bureau, les enfants qui le souhaitaient se déplaçaient pour lui demander de l'aide. Les élèves travaillaient à leur place, l'assistant se déplaçait de table en table, demandait le silence d'un claquement de doigt, ou en disant « Chut ».

Il s'agit plus, pour l'enseignant, de stimuler que de sélectionner, de ne pénaliser personne.

Nous n'avons vu que des évaluations positives et le plus souvent en direction du groupe : c'est bon, c'est bien, c'est juste, qui a réussi...

Je n'ai jamais entendu un enseignant demander : « Qui s'est trompé ? Qui a faux ?... »

On préfère voir les verres à moitié pleins, plutôt que les verres à moitié vides.

Les bibliothèques et la littérature

Il y a une bibliothèque pour 6141 habitants, et les prêts sont gratuits. J'ai vu des finlandais arriver à la bibliothèque avec des valises à roulettes pleines pour échanger leurs livres.

La moyenne nationale est de 20 livres empruntés par an par finlandais.

La moyenne dans mon village du Haut-Jura - où il fait parfois aussi froid qu'en Finlande - est de 9 livres par an par habitant, mais les jours y sont plus longs !

La lecture est un passe-temps important, et plus de 10000 titres en langue finnoise sont publiés chaque année, dont 1000 pour la jeunesse.

La finlandaise Sofi Oksanen a obtenu le prix Roman Fnac pour son livre "Purge", et cette année, le Salon du livre de Paris en mars 2011 a mis à l’honneur les pays nordiques.
Romans, polars, essais, jeunesses... le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède nous font découvrir une littérature foisonnante.

Arto Paasilinna est actuellement l’écrivain finlandais le plus connu dans le monde :

« Les Finlandais me considèrent plutôt comme un conteur satirique, ironique, relativement distrayant alors que les Français me voient davantage comme un philosophe. Il est vrai qu’on peut lire mes romans à deux ou trois niveaux différents. »

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La littérature pour enfants

 

La finlandaise Tove Jansson nous a fait connaître les Muumi (Muumin, Moumine, Moomin…) dont les histoires se déclinent autour de la nature et du merveilleux. Ce petit troll mène une vie simple troublée par des événements et des personnages loufoques, protéiformes (Filigonds, Musabêtes, Snorks, Hatifnattes, Courabous et même un Stinky vorace sentant extraordinairement mauvais….).

Mauri Kunnas (Le Kalevala des chiens, 1992) a écrit des livres sur l’épopée nationale de Finlande. J. R. R. Tolkien a trouvé son inspiration dans cette même épopée, et certains spécialistes déclarent même que le finnois est à l’origine de la langue elfique qu’il a créée pour son Seigneur des Anneaux.

Pour en savoir plus sur la littérature jeunesse : www.tampere.fr/kirjasto/sni

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Un cadre contenant

L'importance de la relation

Tous les enseignants nous ont déclaré que la relation de l'enseignant avec ses élèves est au fondement de l'acte d'enseigner et des apprentissages de l'élève.

« Il faut apporter une attention à tous les élèves et à chacun, et cela s'apprend »,nous dit Susanna, « j'ai beaucoup appris au contact des élèves, sur le terrain, mais la formation est fondamentale. La psychologie est une composante importante de notre travail, même si elle n'a pas toute la place qu'elle devrait à l'université ».

Les liens avec les parents

Les parents finlandais font confiance à l'enseignement, et il y a une grande coopération entre l'école et les familles. Les contacts avec les parents, à l'école fondamentale et au lycée, passent beaucoup par internet grâce au système VILMA.

Les enseignants nous ont dit tout l'intérêt de ce système, mais aussi avec l'inconvénient que les parents se déplacent bien moins pour venir les rencontrer. Les parents sont invités à des réunions trimestrielles, mais ils viennent peu, c'est l'inconvénient du système informatisé qui fait qu'il y a des liens permanents parents/enseignants. Néanmoins, les enseignants déclarent rencontrer chaque famille au moins une fois par an pour un entretien d'une demi-heure.

Dès qu'il y a difficulté, les entretiens sont plus fréquents, et en présence de l'enfant. Interrogés, les parents disent qu'ils font confiance aux enseignants, qu'ils n'ont pas de raisons de venir les rencontrer !

Au jardin d'enfants d'Arabia, on informe les parents de ce qui est prévu en leur mettant un document dans le casier de leur enfant, et ensuite, on les informe par affichage collectif de ce qui a effectivement pu avoir lieu !

Dans un cadre possible, on garde une grande souplesse, on s'adapte à l'enfant, on intègre « l'autrement que prévu » comme une donnée inéluctable de la vie.

La confiance

La relation de confiance que les enseignants établissent avec les élèves est essentielle, aussi bien pour faciliter l'auto-évaluation que pour gérer les conflits entre pairs.

L'heure, c'est l'heure. Mais après l'heure, c'est encore l'heure...

Les horaires sont respectés par les adultes et les élèves, mais si un enfant arrive avec du retard, il n'y a pas de remarque particulière. Il rejoint le groupe et se met au travail sans aucune forme de procès.

Une certaine discipline

L'ambiance des écoles (salles de classe et couloirs) nous a paru relativement calme par rapport aux écoles que nous fréquentons en France.

« Apprendre à attendre dans le calme est une éducation », nous dit Anna, enseignante.

Quand un enseignant souhaite le retour au calme, pas d'énervement, chacun a ses méthodes (lever le doigt par exemple pour signifier « attention » et appeler au silence, geste relayé ensuite par les élèves). « Se mettre en colère serait générer encore plus d'énervement chez les élèves », nous dit une enseignante, « on ne doit pas élever la voix ! »

En salle d'informatique, l'enseignante a donné une consigne au début, a noté des indications au tableau et elle n'est intervenue en direction du grand groupe qu'à la fin pour demander aux enfants de ne pas oublier d'enregistrer le travail qu'ils avaient fait ce jour-là. Les élèves qui avaient eu besoin de l'enseignante levaient la main et attendaient sans autre forme de manifestation ; elle-même prenait son temps pour chaque élève. Nous n'avons vu aucune manifestation d'impatience, ni de la part des élèves, ni de la part de l'enseignante.

Ce sont plus souvent les élèves qui sollicitent l'enseignant, et non l'inverse. Ils demandent de l'aide mais le plus souvent après avoir fait un certain nombre d'essais. L'enseignant considère que l'élève doit faire la démarche de demander de l'aide, lui en proposer sans qu'il en demande, serait montrer qu'on doute de ses capacités. Quand ils sollicitent de l'aide, ils lèvent la main, sans manifestation vocale ni agitation.

Le directeur ou la directrice de l'école est bien identifiée par les élèves qu'il ou elle reçoit. Comme il (ou elle) doit trois heures d'enseignement par semaine, il (ou elle) peut choisir de ne pas s'attribuer ces heures et les réserver pour remplacer un collègue absent, au cas où il n'y aurait pas de remplaçant disponible. On se met en quatre en Finlande pour remplacer les collègues absents, car l'enseignement est un droit de l'enfant.

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L'indiscipline et les sanctions

Il y a de l'indiscipline. Des assistants sont là pour réguler des situations difficiles en complémentarité des enseignants. Les adultes utilisent le parler vrai, ils s'adressent aux élèves, et sans jamais élever la voix. « Quand on se met en colère, le climat n'est pas bon » dit un enseignant.

Dans une séance de danse, nous avons pu voir que lorsque le corps était mobilisé, le pulsionnel s'exprimait aussi, mais l'enseignante a contenu la situation avec un grand calme. Le niveau sonore n'est jamais très élevé, un silence relatif est attendu, il est respecté dans les classes, mais aussi dans les couloirs et dans la cour.

Je me suis demandée comment cela se construisait dans la durée ?

Il y a des « retenues » une fois par mois où les élèves sanctionnés doivent venir. Il n'y a pas d'attentes scolaires, de devoirs écrits. On leur demande de rester silencieux et de réfléchir.

Une collègue de l'OMEP-France à qui je parlais de ce dispositif me rappelait ce que le psychanalyste Jacques Lévine proposait dans les classes ou le bureau du Directeur : « une chaise à réfléchir ».

Le psychopédagogue Georges Mauco[24] écrivait : « Le silence laisse l'enfant en dehors d'une pression éducative abusive. Mais ceci à condition que le silence soit en même temps présence d'esprit et attention compréhensive ».

La violence dans les écoles

Le 7 novembre 2007, au centre scolaire de Jokela (Finlande), un jeune de 18 ans a pénétré avec une arme dans un lycée et a tué six personnes avant de se donner la mort. Le 23 septembre 2008, au lycée professionnel de Kauhajoki (Finlande), un jeune homme de 22 ans a fait dix victimes dans un lycée professionnel avant de se donner la mort.

Ces deux tueries ont amené beaucoup de débats dans les écoles finlandaises, mais elles ne sauraient remettre le système en cause. Ce sont des faits isolés, et les deux jeunes qui en ont été à l'origine avaient annoncé leurs actes sur You Tube. Ils avaient une histoire personnelle et sociale, et l'école est parfois le lieu d'une stigmatisation. Ces deux actes n'ont pas entraîné une psychose sécuritaire dans les établissements. Un programme « Kiva Koulu » (cool l'école) a été réalisé par l'université de Turku. Il s'agit d'un programme de prévention des violences scolaires et du harcèlement, avec la mise en place d'actions de formation ciblées pour les enseignants. Il leur est demandé de développer la sociabilité et le « togetherness » (bien vivre ensemble) dans leurs cours.

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Dispositifs et ateliers proposés par l'IUFM de Lyon,

dans les classes finlandaises

Si on rêvait

Depuis 1998, l’atelier Si on rêvait s'adresse à des jeunes de 4 à 18 ans dont la scolarité est perturbée par la maladie ou un handicap. Il est mis en œuvre par des enseignants exerçant dans des écoles implantées dans les hôpitaux d'enfants de pédiatrie ou de psychiatrie, quelquefois au domicile de l'enfant ou dans des classes spécialisées.

L’enfant est invité à « rêver » en choisissant une photo offerte par des photographes professionnels et à prolonger ce rêve par une expression orale et écrite. L’activité proposée se veut le prétexte à un acte de liberté, de revitalisation et de reconquête de l’estime de soi.

En 2005, devant l’extension de l’atelier, l'équipe pluridisciplinaire responsable du fonctionnement de l'atelier "Si on rêvait" s’est constituée en association de droit français pour en assurer la logistique et la valorisation. Elle se propose de mettre en valeur le rôle de « producteur de pensée » dont est capable l’enfant malade.

Le livre  Si on rêvait[25] et les journaux bisannuels présentant les textes et les récits des enfants s’interrogent sur la problématique qui sous-tend les quatre temps de l’atelier permettant à l’enfant et à l’adolescent de vivre les passages de la photo à l’image, du rêve au récit ou du rêve à l’écriture et enfin au partage avec son entourage, sa famille et son école[26] .

Pour que cet atelier puisse être présenté, lors du voyage d’étude en Finlande, l’association « Si on rêvait » a autorisé l’utilisation de 6 photos et l’adaptation des règles pour une présentation aux classes finlandaises, sachant qu’un atelier a fonctionné dans ce pays, à l’école de l’hôpital de Tempéré.

Nous avons « exporté » un atelier proposé par l'association « Si on rêvait ».

But : Encourager l’enfant à être producteur de pensée, à explorer et interroger le monde à travers une photographie, à exprimer son ressenti, ses rêves…

Voici le protocole qui fut présenté aux élèves de plusieurs classes lors de notre voyage d'étude à Helsinki:

  • Temps de découverte silencieuse des photos (les enfants sont dans l’émotion)
  • Temps de mise en mots des émotions et /ou l’adulte observe les réactions des enfants et peut prendre en note ce qu’ils disent afin de leur restituer au moment de l’écrit.
  • Incitation au passage à l’écriture (pour ensuite partager ce rêve).
  • Chaque auteur nous laisse une trace aux fins d’une possible publication.

Présentation

« En France, nous avons des photographes célèbres qui ont offert leurs photos pour faire rêver les enfants. Nous vous en avons apporté six pour que, vous aussi, vous puissiez rêver et nous faire partager vos rêves. »

Au vidéoprojecteur, nous avons proposé six photos : Sao Tomé (le plongeon) / Bébé Dolgan et rennes / Lionne et lionceau / Caravane de dromadaires / Astronaute / Camp de base / Bénarès

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Consigne 1 : « Nous allons vous projeter les six photos et nous allons prendre le temps de les regarder en silence et nous en parlerons après ». (Passation : 45 secondes par photo)

 

Consigne 2 : « Est-ce que ces photos vous ont fait rêver ? Est-ce qu’il y en a une qui vous a fait plus rêver que les autres. Qui veut nous parler de la photo qui l’a fait rêver ? »

Dès qu’un enfant propose une photo, nous la projetons et nous laissons l’enfant, puis le groupe s’exprimer.

Nous avons continué de façon à ce que les six photos soient commentées.

Si une photo ne retient pas l’attention, nous la projetons mais nous n’insistons pas. Par exemple, plusieurs enfants de la classe d'Ana ont rejeté cette photo :

« Nous n'avons pas choisi, comme Bryan (7ans, Barcelone, Espagne) L’astronaute de la Nasa pour rêver, raconter, écrire, parce qu'il est tout seul, et que ça ne nous fait pas rêver »

L’astronaute de la Nasa

©Nasa /Galaxie Contact

P40

Consigne 3 : « Choisissez la photo qui vous fait le plus rêver. Écrivez ce que vous avez pensé, imaginé, ressenti en regardant cette photo pour faire partager votre rêve. Quand vous serez satisfait de votre écrit (les adultes aident à l’écriture), vous pourrez l’exposer, le faire lire à des camarades, à vos professeurs, nous en offrir une photocopie que nous remmènerons en France. Vous pourrez garder la photo que vous avez choisie. »

 

Bébé Dolgan

©Francis Latreille

« Comme Vasile (12 ans, Iasi en Roumanie) j’ai choisi Le bébé dolgande Francis Latreille pour rêver, raconter, écrire, parce que chez moi j'ai la même photo de moi quand j'étais petit ».

Et voici l'image qui a été la plus choisie dans la classe de Christina, et qui avait déjà été choisie par Eerika, 8 ans de Tempéré en Finlande,  Lionne et lionceau de Christine et Michel Denis-Huot.

 

Lionne et lionceau

©Christine et Michel Denis-Huot

Les enfants ont évoqué à travers cette image la tendresse, l'amour maternel. Un enfant a lu son texte, et l’enseignante a été bouleversée par son écrit. Nous n'avons pas trace de cet écrit car il a été lu et écrit en finnois, mais ce qui s'est passé à ce moment-là entre les élèves et l'enseignante a été très intense.

P41

Plusieurs garçons ont choisi, comme Céline (13ans, Belgique), la photo Sao Tomé de Gérard Planchenault, pour Rêver, Raconter, Ecrire. Ils nous ont dit, en écrivant leurs textes, que cette photo leur plaisait beaucoup car elle évoquait un pays d'Afrique où il faisait chaud, et qu'ils étaient impatients eux aussi de pouvoir replonger dans la mer. Cette photo présentait aussi un groupe d'enfants qui avait du plaisir à être ensemble, et ils ont dit que ça leur plaisait beaucoup.

 

Sao Tomé

© Gérard Planchenault

Les enfants avaient à leur disposition des feuilles et des crayons de papier et nous leur avons offert la possibilité d'écrire leurs textes sur un « petit livre », en mettant la photo choisie en réduction sur la première page du petit livre. Tous ont écrit quelque chose, seul ou avec l'aide d'un adulte. L'enseignante et l'assistante les aidaient à rédiger et le groupe de stagiaires de l'IUFM aidait les enfants dans la réalisation matérielle du support.

 

 

"Sur la photo le lionceau se sent en sécurité auprès de sa mère. La maman aime son fils"

Page de droite : "Ce livre raconte les sentiments que cette image éveille en moi"

 

Page de gauche : "écrit par: Martta Maria Tuorinen. Publié MMTF"

Consigne 4 : Remerciements pour la participation et bilan « Qu’avez-vous à dire à propos de cette activité ? ».

Les enseignants ont traduit le plaisir des enfants à cette invitation à rêver à l'intérieur même de l'école ! Cette « rêverie partagée » fut un grand moment, même si la barrière de la langue ne nous a pas permis de comprendre tous les mots qui ont accompagné les émotions vécues.

P42

Un atelier philo-AGSAS à l’école spécialisée de Vantaa

Yannick BONNIER et quelques autres enseignants en formation CAPA-SH option E nous livrent leur expérience :

« Dès le deuxième jour de notre voyage d’étude en Finlande, nous nous sommes rendus dans une école spécialisée à Vantaa (banlieue d’Helsinki) regroupant des élèves dysphasiques sévères, déficients intellectuels, atteints de troubles de l’attention ou de troubles cognitifs…

Nous avions proposé des co-interventions avec les enseignants finlandais, et lorsqu’un collègue nous a proposé de conduire un atelier philo avec ses élèves, nous avons bien sûr accepté.

Nous avons posé le cadre de l'atelier de philosophie AGSAS, à savoir :

  • « Nous allons faire de la philosophie» : notre objectif était d’amener les élèves à faire l’expérience de leur propre pensée, à réfléchir sur les grandes questions philosophiques que se pose l’humanité.
  • «Nous avons la certitude que vous savez des tas de choses sur ce qui se joue dans la vie, et il ne s’agit pas de juger de votre valeur» : notre objectif était d’inviter chacun de passer du statut d’élève à celui d'un enfant du monde, un habitant de la terre.
  • « L'adulte est garant du cadre, et il n’interviendra qu’à minima » : Sans changer de statut, nous signifions aux élèves qu’ils n’auront pas besoin de nous pour cette activité. Nous sommes garants des conditions de prise de parole et des modes de gestion du temps. Cette présence silencieuse et confiante est nécessaire.
  • « Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses »,
  • « La séance ne durera que dix minutes».

Dans cet établissement spécialisé, nous avons posé le cadre de l'atelier à un groupe de 6 élèves.

Cependant, deux obstacles majeurs ont soulevé des interrogations :

  • la barrière de la langue : nous devions passer par le « filtre » de notre collègue Finlandaise Merja, professeur de Français à Helsinki qui allait devoir traduire nos propos et ceux des élèves. Ce dispositif ne risquait-il pas de perturber la dynamique de pensée du groupe?
  • les besoins particuliers des élèves. En effet, plusieurs élèves de la classe rencontraient de grandes difficultés de conceptualisation ; dès lors, quelle question poser au moment de l’atelier philo ? Il nous a semblé que le thème de la peur pouvait être « parlant » pour des élèves d’une dizaine d’années. Nous avons donc fait le choix de poser la question : « Qu’est-ce que c’est avoir peur ? ». Nous pensions que la question présentée sous cette forme appellerait des réponses plus concrètes que « qu’est-ce que c’est la peur ?» qui renvoie à un concept.

Nos craintes ont été rapidement levées. Le fait de passer par la traduction de Merja a eu un effet totalement inattendu. Non seulement cela n’a pas parasité la pensée groupale mais a en plus grandement favorisé l’écoute. En effet, Merja étant le seul « moyen » de nous comprendre, chacun (professeurs et élèves) a dû faire un effort d’écoute particulier, et non pas se contenter d’entendre comme cela peut arriver lorsque l’on communique dans une langue commune. Chacun devait surseoir à sa prise de parole, et cela ne semble pas avoir nui à l'activité de pensée. De plus, les élèves ont fait preuve d’une très grande capacité à exprimer leur pensée. Leurs réponses ont été très riches.

Au final, chacun a vécu un moment exceptionnel :

  • les élèves, qui ont été surpris puis très enthousiasmés par ce dispositif (ils n’avaient jamais participé à une activité telle que celle-ci auparavant),
  • notre collègue enseignant spécialisé qui a pu porter un autre regard sur ses élèves puisqu’il nous a avoué qu’il ne les aurait pas pensés capables de réussir une activité aussi « abstraite »,
  • nous-mêmes, enseignants spécialisés français, qui avons pu vivre cette rencontre riche aussi bien au niveau humain que professionnel. En effet, lors du bilan de l’atelier, un élève nous a dit « Je ne savais pas trop si la question était « Qu’est-ce que c’est avoir peur ? » ou « Qu’est-ce que c’est la peur ? » ; ce fut une belle leçon pour nous qui pensions que la deuxième formulation serait trop abstraite au regard des besoins particuliers des élèves ! Nous avons ainsi pu vérifier à quel point il était important de croire aux capacités de nos élèves.

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Nouvel atelier philo au Lycée Franco-Finlandais

Après l’expérience enrichissante que nous avions vécue à l’école spécialisée de Vantaa, l’atelier philo a été reconduit au Lycée Franco-Finlandais d’Helsinki avec des élèves de 11-12 ans. C’est Véronique qui, cette fois-ci, a été chargée d’animer la séance.

Ici, nous n'avions pas besoin de traducteur, les élèves parlent tous couramment français. Véronique a donc posé la question suivante : « Qu’est-ce que c’est être adulte ? ».

Après un premier tour de parole où peu d’élèves se sont exprimés (surpris sans doute par cette activité inédite pour eux), les langues ont commencé à se délier et les réponses ont fusé.

« Être adulte, c’est avoir plus de responsabilités... avoir beaucoup de travail... avoir presque tout ce que l’on veut... être mentalement comme un adulte... vivre sans ses parents... travailler pour avoir de l’argent... prendre soin de soi-même et de ses enfants... faire des voyages... avoir le droit de jouer aux machines à sous... avoir un boulot pour vivre et manger... avoir le permis pour conduire une voiture... se marier… ».

A la fin de l’atelier, les élèves ont exprimé leur étonnement quant à la disposition des chaises (en cercle) qu’ils ne connaissaient pas. Ils ont également dit avoir pris du plaisir à pouvoir donner leur avis. Leur professeure a trouvé le dispositif très intéressant, elle nous a ainsi fait part de son intention de renouveler cette activité en notre absence…

Cette rencontre autour d’une question de philosophie a été le point de départ de l’échange qui a suivi avec les élèves sur les différences entre leur système scolaire et le nôtre, sur la France en général. Tous ont émis le souhait de venir séjourner dans notre pays ! »

P44

Les petits livres

Anticipant les problèmes de communication à cause de la langue, nous avons décidé de créer chacun un outil de présentation sur ce que nous avions envie de dire, sur nous, aux élèves finlandais (notre métier, notre ville d'origine, nos goûts en matière de loisirs...). Le support choisi fut un « petit livre »[27]sur lequel nous pouvions mettre du texte et des photos.

Notre objectif était d'inviter les enfants à entrer en communication avec une personne de langue étrangère et à s’engager dans une activité nouvelle qu’ils pourraient réinvestir ultérieurement (pliage en vue d'un atelier d'écriture par exemple). Nous avions à notre disposition des feuilles de papier et des crayons de couleur pour permettre aux enfants de créer leur propre « petit livre » pour se présenter à nous.

Voici comment s'est déroulée une séance avec les petits livres :

1° temps : La rencontre à partir de ce support

Chaque enseignant français s’installe à une table avec un maximum de trois élèves finlandais.

Il fait découvrir les petits livres aux élèves, les laisse manipuler, commenter et il communique pour éveiller leur curiosité et favoriser leur implication.

Il offre ensuite « son » petit livre à chacun des élèves et prend alors appui sur les photos, leurs légendes (en français ou en finnois pour ceux qui ont trouvé des traductions sur internet !), le mime pour se présenter à eux et engager un dialogue et une co-traduction des quelques mots supports à la présentation (moi /ma maison/ mon école/ ma famille/ mon chien/mon chat/etc.)

2° temps : La fabrication d'un petit livre

Nous avons offert aux élèves la possibilité de créer leur petit livre, soit en procédant par démonstration/imitation, soit en utilisant la fiche technique, et de rédiger avec nous un texte où ils se présenteraient (dessin/écriture et photos).

Ces petits livres nous ont accompagnés tout au long de notre séjour, car ils constituent un support d'écriture très prisé par les enfants... et les adultes.

Nous avons invité les enseignants finlandais à aller visiter le site des Éditions Célestines pour y trouver des « petits livres », les imprimer, et aussi proposer ceux de leurs élèves.

P45

Les livres en langue française

Nous avons proposé un certain nombre de livres et d'albums que nous avons lus et laissés dans les classes. La liste est proposée en annexe.

Les chansons en langue française

Nous avons laissé aux enseignants des comptines et chansons en langue française sur une clé USB, mais nous avons été souvent accueillis dans les écoles par la chanson « Sur le pont d’Avignon » qui figure dans les toutes premières leçons de la méthode d'apprentissage du français utilisée dans les établissements scolaires. A nous de les inviter à mimer sur cette chanson qui était plus pour eux un exercice obligé qu'une « chanson à gestes » !

Remerciements

Je remercie Josselyne Annino qui a organisé ce séjour avec beaucoup de professionnalisme, et l'AGSAS qui m'a permis ce voyage d'étude.

Je remercie aussi Anne, Christophe, Elisabeth, Emilie, Florinda, Isabelle, Joël, Laure F., Laure H. Martine, Nathalie, Véronique, Yannick, qui ont proposé aux élèves et aux enseignants des dispositifs qui ont permis la rencontre, et ensuite la co-réflexion dans nos réunions de travail le soir.

Je remercie aussi Cécile qui nous a accompagnés avec sa caméra pour garder des témoignages de ce séjour, Bénédicte, pour sa disponibilité à nous servir d'interprète dans la découverte de la culture finlandaise, et Brigitte et Marie-Jo pour leur relecture attentive.

P46

 Pour poursuivre la réflexion :

KORPELA Salla. Finfo, votre fenêtre sur la Finlande. Publié par le Ministère des affaires étrangères.

ROBERT Paul. La Finlande, un modèle éducatif pour la France ? Les secrets de la réussite.ESF. 2008.

Pour en savoir plus sur notre semaine dans les écoles d'Helsinki : http://iufm.univ-lyon1.fr/apprendreenfinlande/

Quelques sites :

www.agsas.free.fr

www.icem-pedagogie-freinet.org

www.petitslivres.free.fr

www.si-on-revait.org

P47

Table des matières

Pourquoi un voyage d'étude à Helsinki ? ................................................................................... 2

« Chaque élève est important » : les orientations politiques de la Finlande en matière d'éducation et de formation     3

Une réforme dans le long terme............................................................................................. 3

Enseignant : une profession considérée................................................................................... 4

Formation initiale des enseignants.......................................................................................... 4

Formation continue des enseignants....................................................................................... 5

La formation des assistants d'éducation.................................................................................. 5

Les moyens humains............................................................................................................. 6

Les moyens matériels............................................................................................................ 6

L'importance des livres et des manuels d'accompagnement..................................................... 6

Nul n'est prophète en son pays : merci Mr Freinet !................................................................... 7

Les structures éducatives dans la société finlandaise................................................................... 9

De la conception à 6 ans, le dispositif de prévention NEUVOLA........................................... 9

Les jardins d'enfants de 1 à 6 ans (PÄIVÄKOTI).............................................................. 10

L'enseignement préscolaire durant la sixième année (ESIKOULU)....................................... 12

La prévention...................................................................................................................... 14

L’enseignement fondamental : de 7 à 16 ans (PERUSKOULU)........................................... 14

L'enseignant spécialisé (Eritysopettaja)................................................................................ 16

L'accueil des élèves en situation de handicap........................................................................ 18

La mise en place d'un soutien très « particulier »................................................................... 18

Du jardin d'enfants au collège : l'école d'Arabia.................................................................... 19

L'enseignement secondaire supérieur ................................................................................. 19

Pourquoi le « système éducatif finnois » donne-t-il de meilleurs résultats au PISA? ............... 19

L'école comme une « maison »................................................................................................ 22

Des espaces habitables....................................................................................................... 22

Les photos pour développer un sentiment d'appartenance.................................................... 23

Une certaine conception de l'enseignement............................................................................... 25

La conquête de l'autonomie, une « valeur finlandaise » ?....................................................... 25

La prise en compte de l'hétérogénéité.................................................................................. 26

Le suivi longitudinal d'un groupe d'enfants sur plusieurs années ............................................ 27

L'accueil des enfants issus de l'immigration........................................................................... 28

Le respect des besoins fondamentaux.................................................................................. 28

Pour une école des « quatre intelligences »........................................................................... 30

L'appui sur le groupe........................................................................................................... 30

Le temps, les rythmes.......................................................................................................... 31

Une certaine conception de l'évaluation................................................................................ 32

Les bibliothèques et la littérature ......................................................................................... 32

La littérature pour enfants.................................................................................................... 33

Un cadre contenant................................................................................................................. 34

L'importance de la relation.................................................................................................. 34

Les liens avec les parents.................................................................................................... 34

La confiance....................................................................................................................... 34

Une certaine discipline......................................................................................................... 34

L'indiscipline et les sanctions................................................................................................ 35

La violence dans les écoles.................................................................................................. 35

P48

Dispositifs et ateliers proposés par l'IUFM de Lyon,................................................................ 36

dans les classes finlandaises..................................................................................................... 36

Si on rêvait......................................................................................................................... 36

Un atelier philo-AGSAS à l’école spécialisée de Vantaa ...................................................... 40

Les petits livres................................................................................................................... 42

Les livres en langue française............................................................................................... 43

Les chansons en langue française......................................................................................... 43

Remerciements ...................................................................................................................... 43

Pour poursuivre la réflexion :................................................................................................... 44

Table des matières...................................................................................................................... 45

Annexe : Livres pour les jardins d'enfants............................................................................. 47

Annexe : Livres pour les maternelles.................................................................................... 48

Annexe : Livres pour les écoles élémentaires........................................................................ 49

P49

Annexe : Livres pour les jardins d'enfants

Beaucoup de beaux bébés par David Ellwand, L'école des loisirs. Pastel. 1995

 

Imagier de photos en noir et blanc de bébés avec des expressions contrastées, pour découvrir beaucoup de beaux bébés. A la fin, quel est le plus beau ? Surprise grâce au miroir !

Mon beau soleil de Natali Fortier. Albin Michel. 2010

 

L'auteur donne vie aux personnages de son album « mon beau soleil » et un bestiaire insolite prend forme… On peut alors croiser trois tortues, une girafe au cou télescopique, un éléphant rose qui adore être câliné, trois lions décoiffants, quelques livres baladeurs, un fantôme un peu myope, et un ours. En s’en approchant, on découvre quelques animaux s’amusant à changer de tête. Un univers qui éveille la créativité et l’imagination de chacun, avec un écrit sous la forme d'une comptine

Moumine apprend à compter, éditions p'tit Glénat. 2010

 

Moumine est un héros créé par l'écrivain finlandais Tove Jansson et il peut être intéressant de présenter ce héros dans des livres en langue française.

Mercredi, par Anne Bertier, éd MeMo, 2010.

 

Le mercredi, en France, c’est le jour des enfants. Petit Rond et Grand Carré profitent de ce moment pour s’adonner à leur jeu préféré : se métamorphoser en tout ce qui leur passe par la tête et ils se transforment tour à tour en champignon, fleur, etc. Avec des moyens bien choisis l’auteur sollicite l'imaginaire de l'enfant : deux formes fortement symboliques (le rond évoquant la douceur, le carré évoquant la rigueur), deux couleurs et un texte qui raconte une amitié, une fâcherie, une rupture et enfin une réconciliation par l’entraide.

Les formes géométriques sont disposées sur la page de façon à permettre une compréhension immédiate de l’histoire. Je préparerai des ronds orange et des carrés bleus si nous avons l'opportunité de poursuivre une rencontre avec les enfants autour de ce livre.

Une Maison, le vent de Monique Félix. Gallimard. 1991

 

Trois petits livres sans texte, qui racontent l'histoire d'une petite souris qui n 'hésite pas à grignoter les livres, mais qui crée, en pliage, à la manière des petits livres, une maison et un moulin à vent.

J'apporte une petite souris en peluche que nous pouvons animer à la manière d'une marionnette.

Bébés chouettes de Martin Waddell et Patrick Benson. L’école des loisirs. 1994

 

La problématique rencontrée peut trouver une grande résonance chez les jeunes enfants. L’histoire aborde l’angoisse de la séparation, la tension liée à l'attente, mais il rassure en même temps.

L’enfant découvre qu'il n’est pas seul à vivre de tels sentiments, il y a trois chouettes dont la maturité est différente qui expriment leurs ressentis.

Une poule sur un mur par Stéfany Devaux. Didier Jeunesse. 2009

 

Une comptine bien connue illustrée.

Es-tu ma maman ? de Carla Dijs. Éd Mango. 1998

 

Un petit livre animé pour aller à la rencontre des animaux, et retrouver... sa maman !

 P50

Annexe : Livres pour les maternelles

La tempête par Florence Seyros et Claude Ponti. L'ÉCOLE DES LOISIRS – 1993

 

C'est ce soir que la tempête arrive, mais Clarisse n'a pas du tout peur. Elle a hâte que ça commence. Le vent va souffler très fort, assez pour déraciner les arbres...

Mais dans le bateau-tente qu'elle construit avec ses parents, rien n'est plus vraiment grave... Puis à nouveau de l'ordre dans ce désordre, une profusion d'arômes et d'amour, une invitation au voyage !

L'histoire de Moumine, Mumla et petite Mu, Que crois-tu qu'il arriva ? De Tove Jansson. P'tit Glénat.

 

C'est un livre pour enfants écrit par la finlandaise Tove Jansson en 1952 qui a été traduit en langue française en 2009. La rencontre peut être intéressante.

Couleurs du jour de Kveta Pacovska, éd Les grandes personnes, 2010

 

Ce livre accordéon sans texte se déplie sur 10 mètres et permet de savourer des images, des couleurs dans des pages aux découpes simples qui permettent de proposer ensuite à chaque enfant un petit livre que j'aurai préalablement découpé en forme de maison et qu'il pourra décorer à sa guise.

Ce livre se dévoile à l'endroit et à l'envers, il invite à passer d'un monde imaginaire à un autre pour créer son propre voyage dans un musée miniature qui tient autant de la peinture que la sculpture.

C'est quoi, dis, un rêve ?De Hubert Schirneck et Sylvia Graupner, Actes Sud. 2004

 

Cette question trotte dans la tête de Jonas, enfant taupe, et ses parents ont du mal à lui répondre. Il interroge successivement le renard, l'ours, le lièvre, le hibou, la fourmi. De retour chez lui, toutes les réponses vont l'accompagner dans son entrée dans le sommeil... et le rêve.

Je pensais que cette lecture offerte pouvait parfois faire suite au dispositif « si on rêvait ».

Mercredi, par Anne Bertier, éd MeMo, 2010.

 

Le mercredi, en France, c’est le jour des enfants. Petit Rond et Grand Carré profitent de ce moment pour s’adonner à leur jeu préféré : se métamorphoser en tout ce qui leur passe par la tête et ils se transforment tour à tour en champignon, fleur, etc. Avec des moyens bien choisis l’auteur sollicite l'imaginaire de l'enfant : la combinaison de deux formes, de deux couleurs. Le texte raconte une amitié, une fâcherie, une rupture et enfin une réconciliation par l’entraide.

Les formes géométriques sont disposées sur la page de façon à permettre une compréhension immédiate de l’histoire. Je préparerai des ronds de couleur orange et des carrés bleus si nous avons l'opportunité de poursuivre une rencontre avec les enfants autour de ce livre.

Bou et les 3 zours de Elsa Valentin et Ilya Green, éd L'atelier du poisson soluble. 2009

 

Dans cette nouvelle version du conte Boucle d’or et les trois ours, la trame narrative est respectée mais toute l’originalité du texte réside dans sa langue, une langue imagée, mixage d’ancien français, de français moderne, d’espagnol, d’italien, d’anglais, d’argot, de mots valises, de la phonétique, qui enracine le conte dans la tradition orale d’origine. C'est pour cette richesse que je la présenterais aux enfants finlandais.

Le beau ver dodu de Nancy Van Laan et Marisabina Russo. L'école des loisirs. 1991

 

Un bel oiseau dodu aperçoit un beau ver dodu, mais un beau chat dodu surgit et l'oiseau s'envole ; arrive alors un beau chien dodu... Une histoire qui rassure par sa structure répétitive.

Plouf ! De Philippe Corentin. L'école des loisirs. 1991.

 

Histoire du loup qui a confondu le reflet de la lune avec un fromage et qui se retrouve prisonnier dans un puits. Il ruse alors pour en sortir et un cochon se retrouve à son tour prisonnier. Puis le cochon réussit à sortir en confondant les lapins. Mais le loup approche et les lapins entendent son rire. Seront-ils aussi rusés que le loup ?

P51

Annexe : Livres pour les écoles élémentaires

L'histoire de Moumine, Mumla et petite Mu, Que crois-tu qu'il arriva ? De Tove Jansson. P'tit Glénat.

 

C'est un livre pour enfants écrit par la finlandaise Tove Jansson en 1952 qui a été traduit en langue française en 2009.

Le géant de Zéralda de Tomi Ungerer. L'école des loisirs, 1971.

 

Que faire pour qu'un ogre cesse de dévorer les enfants? Lui préparer des repas délicieux chaque jour ! C'est ce que fit la petite Zéralda du haut de ses six ans... Puis elle grandit, épousa l'ogre et le tableau de famille de la fin suscite bien des remarques aux enfants...

C'est quoi, dis, un rêve ?De Hubert Schirneck et Sylvia Graupner, Actes Sud. 2004

 

Cette question trotte dans la tête de Jonas, enfant taupe, et ses parents ont du mal à lui répondre. Il interroge successivement le renard, l'ours, le lièvre, le hibou, la fourmi. De retour chez lui, toutes les réponses vont l'accompagner dans son entrée dans le sommeil... et le rêve.

Je pensais que cette lecture offerte pouvait parfois faire suite au dispositif « si on rêvait ».

Une nuit, un chat...de Yvan Pommaux. L'école des loisirs. 1994

 

Ca y est, le grand jour est arrivé ! Pour la première fois, Groucho sort seul la nuit. Un chemin semé d’embûches, et si papa doit les déjouer discrètement au début, il s’apercevra vite que son fils est mûr pour se débrouiller tout seul.

Un jour d'école ordinaire de Colin Mcnaughton et Satoski Kitamura. Gallimard. 2004

 

Un jour, un petit garçon ordinaire alla à l'école ordinaire. Un nouveau professeur était là, il a mis de la musique. Le garçon aima cette musique, il s'est mis à écrire, il jouait avec les mots... C'était extraordinaire !

Ce livre en noir et blanc au début prend de la couleur. Les enfants peuvent être invités à dire le moment qui leur a plu, vers quels rêves la musique peut les conduire aussi.

Okilélé de Claude Ponti. L'école des loisirs. 1993

 

Cet album est construit sur la même ambiguïté que celle que l'on trouve dans Le Vilain Petit Canard. Okilélé est déclaré affreux par les autres personnages du récit, alors qu'il apparait simplement différent et même plutôt mignon aux yeux des lecteurs. Okilélé avec sa trompe n'est en réalité pas plus laid que sa famille au nez rond et n'a rien à leur envier. Ce qui compte alors est la perception de la différence par les autres personnages. Placé d'emblée sous le signe de la laideur, Okilélé a du mal à échapper à l'image dévalorisée de celui dont la différence n'est pas acceptée.

Page d'écriture de Jacques Prévert. Folio. 1986. Poème illustré par Jacqueline Duhême

 

Pendant la leçon de calcul, un oiseau-lyre entre dans la classe. Il joue avec l'enfant qui rêve de liberté...

Le petit Prince de Antoine de Saint Exupéry. Folio junior. Gallimard. 1997

 

Le Petit Prince est un texte poétique, et c'est un récit d’apprentissage. Le héros vit des aventures qui lui permettent de grandir. Nous pouvons proposer des extraits :

- soit le début p 9 à 15 qui valorise l'imaginaire

- soit le passage avec le renard (p 66 à 74 avec possibilité de couper certains paragraphes)

- puis proposer l'esquisse de dessin p 94 en lisant aux enfants ce qui est écrit sur la page voisine.

 

[1]  PISA : Programme pour le suivi des acquis des élèves.

[2]  RASED : Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté.

[3]  Il n'est évidemment pas question ici d'idéaliser non plus le système éducatif finlandais, issu d'une histoire politique, économique et sociale différente de la nôtre. Concernant l'avenir, les enseignants nous ont fait part aussi de leurs inquiétudes, les réformes en cours risquent de ne plus mettre le qualitatif en premier, mais de viser comme en France, les économies budgétaires...

[4]  Enquête présentée dans le livre de Paul ROBERT : La Finlande, un modèle éducatif pour la France ? Les secrets de la réussite, ESF, 2008, p 91.

[5]  Dans le débat actuel sur la formation des enseignants en France, nous voyons bien que ces derniers ne sont pas suffisamment prêts à gérer les conflits, qui sont pourtant inhérents à toute démarche de croissance.

Une formation en psychologie et en pédagogie peut donner des outils de pensée pour accueillir cet « autrement que prévu » dont nous parlait Jacques Lévine, mais au cours de l'exercice du métier, il est important d'avoir des espaces d'élaboration pour transformer les situations difficiles et apporter du modifiable. C'est ce que les enseignants peuvent expérimenter dans les dispositifs de Soutien au Soutien où il s'agit, selon Jacques Lévine, de « parler clair sur les difficultés rencontrée» : « l’explication concernant ses propres façons de ressentir les situations conflictuelles et celles des autres. Le parler clair est d’ailleurs tout un art. Si l’on ne veut pas verser dans la psychologisation, il faut savoir utiliser un parler clair « général », qui traite sur un mode plus impersonnel les problèmes personnels, donc élever le débat et en même temps utiliser les structures du type pédagogie institutionnelle qui permettent de dépasser le niveau pulsionnel et émotionnel grâce à la prise en compte du point de vue des autres, qui ramène à plus de réalité ».

[6]  Institut coopératif de l'école moderne

[7]  « Regard d’un psychanalyste sur la pensée de Freinet » Jacques Lévine. Revue de l'ICEM. Mai 98

[8]  Je est un Autre : Revue de l'AGSAS

[9]  BENP n°47 : Les Dits de Mathieu – Célestin Freinet – juillet 1947

[10] Extrait d'un texte écrit et publié en 1981, dans « Education enfantine ». Il fait partie d’un glossaire composé à l’époque sous le titre « Dictionnaire des Incertitudes Psychologiques »

[11] « Pour une anthropologie des savoirs scolaires ». J Lévine et M. Develay. ESF, 2003.

[12]  Pour entrer dans le détail, on peut se reporter au « Basic Education Act » du 1er janvier 1999 sur le site du Ministère de l'éducation en Finlande.

[13]  Ce passage a fait l'objet d'un article pour la revue de la FNAREN, Envie d'école n° 67, juin/juillet 2011

[14]  GAPP : Groupes d'aides psychopédagogiques

[15]  RPM : rééducateur en psychomotricité

[16]  Pour en savoir plus sur le fonctionnement de l'enseignement spécialisé, on peut s'adresser à l'Association finlandaise de l'éducation spéciale, 11 Plassinkatu AS 2 20360 Turku. Finlande. www.sel.fi

[17]  On peut se reporter à l'étude de Taksin Nuoret sur son blog (mardi 14 décembre 2010).

[18]  Regard d’un psychanalyste sur la pensée de Freinet » Jacques Lévine. Revue de l'ICEM. Mai 98

[19]  Regard d’un psychanalyste sur la pensée de Freinet » Jacques Lévine. Revue de l'ICEM. Mai 98

[20]  ROBERT Paul. La Finlande, un modèle éducatif pour la France ? Les secrets de la réussite. ESF. 2008, p.135.

[21]   MASLOW Abraham. L'accomplissement de soi. Eyrolles. 2004

[22]  Les invariants proposés par Célestin Freinet sont parus dans une brochure en 1964.

[23]  ROBERT Paul. La Finlande, un modèle éducatif pour la France ? Les secrets de la réussite. ESF. 2008.

[24]  MAUCO Georges. Psychanalyse et éducation. 1968. Flammarion 1993, p 154

[25]  Si on rêvait, Belin 2005.

[26]  Pour des informations plus précises sur l’association « Si on rêvait »,

consulter le site : www.si-on-revait.org

[27]  Voir propositions sur le site des Editions Célestines, école de Vaulx-en-Velin