OMEP-France au colloque AGEEM à Vichy

1-3 juillet 2011

Comme chaque année en tant qu’association amie, OMEP-France a été invitée par l’AGEEM à son 86colloque qui se tenait cette année à Vichy.

En tant que vice-présidente du comité français, j’ai pu visiter les expositions, participer aux conférences et aux ateliers portant sur le thème « A l’école maternelle, c’est le corps d’abord ! »

Ce colloque a rassemblé 800 enseignants dans le superbe cadre du Palais des Congrès-Opéra les 30 juin et 1er juillet 2011 et a proposé une réflexion sur une thématique un peu oubliée : l’importance de la place laissée à l’éducation corporelle à l’école maternelle.

Des conférences, 56 expositions et 34 ateliers très riches ont décliné ce sujet suivant 3 grandes lignes : mon corps à l’école, mon corps et moi, mon corps et les autres.

    • « Mon corps à l’école » : comment les apprentissages sensoriels permettent la compréhension du monde et l’accès à l’abstraction, que ce soit en classe, dans la cour de récréation, dans la nature…

    La performance remarquable de Joëlle Gonthier sur « le corps et ses représentations dès le plus jeune âge » en a été une brillante

    illustration. En voici les grandes lignes.

    Quand on parle des représentations des enfants, on parle de soi. Contrairement à mon image dans le miroir, mon dessin va exister en mon absence : le petit enfant mesure son pouvoir de créer une image et va aller ainsi vers la dimension symbolique de l’altérité. Mais dans l’univers symbolique, il y a toujours un manque : volume, parole, couleur… et c’est un contresens que d’attendre une représentation conforme à un certain stade de développement car on abordera ensuite ce qui rend le monde visible : lumière et ombres, couleur, volume…

    On ne se voit pas, seulement au travers du regard des autres donc on se créé une image par un décor autour du corps. Il faut apprendre à comprendre son image et la mettre en mot. Le regard sur soi-même est sculpté par rapport aux autres : on compose une image intérieure de son corps.

    La perception est une expérience sensible égocentrée donc différente pour chacun.
    C’est une source de savoir mais pas la seule. Elle permet la connaissance de son propre corps et de celui des autres. Lorsqu’on représente ce corps, on articule quelque chose de soi à l’autre, on se sépare de soi et on crée l’altérité.

    Les yeux permettent d’être présents au monde et d’entrer en contact avec les autres. Mais voir n’est pas regarder : pour voir il faut savoir. Il faut donc former le regard et le jugement.

    Que doit faire l’enseignant : éveiller, sensibiliser, enseigner ? un corps mais quel corps ? on peut s’appuyer sur les représentations du corps dans l’art. Mais l’artiste donne sa propre représentation du monde et le dessin à un pouvoir sur le réel car dans le dessin on peut tout.

    Cela nécessite donc une distance pour voir, qui n’est pas la même pour tout le monde.

    Venant compléter cette intervention, je citerais les expositions sur

    – la reconnaissance de ses propres émotions et de leur expression chez les autres par l’observation directe ou au travers des albums, et leur mise en mot

    – les parcours sensoriels issus de l’observation de la nature

    – « construire et se construire » autour des jeux de construction : construire des apprentissages pour s’orienter, coopérer, maîtriser ses gestes, acquérir des savoirs technologiques, enrichir son langage

    – la mise en lien avec les arts visuels, la littérature, les sciences, les mathématiques, l’écrit et l’image.

     

     

    •  « Mon corps et moi » : comment prendre conscience des fonctions vitales de son corps, prendre soin de son corps et de celui des autres

    Objectifs de la santé à l’école : permettre à chaque enfant de choisir, développer son émancipation.

    Illustré par la conférence de Didier Jourdan sur « L’éducation à la santé. Et l’éducation sexuelle ? »

    Cette éducation repose sur 3 paramètres : la valorisation du comportement, la vulnérabilité de la personne, l’environnement au travers de la pression à la norme. Il faut donc travailler sur ces trois dimensions : l’effet de la conduite elle-même, les facteurs liés à la personne, la capacité à dire non (surtout aux médias).

    Travailler sur les émotions : apprendre à se connaître, être capable de les identifier pour soi et chez les autres (à partir d’albums ou de représentations artistiques)

    Gérer les questions liées à la sexualité en classe par la prévention des conduites à risques et apprendre à prendre soin de soi et des autres.

    Mais qui décide de ce qui est bon ?  l’expert, le scientifique, le citoyen ? Toutes les méthodes sont-elles éthiquement acceptables ?

    Il ne suffit pas d’être informé d’un risque pour choisir de l’éviter (exemple du tabagisme élevé chez les internes des hopitaux), d’où la nécessité d’articuler plusieurs dimensions :
    éducation, prévention, protection.

    Développer

    –  l’esprit critique sur les représentations stéréotypées

    –  l’attitude de prévention contre les abus sexuels, les maladies sexuellement transmissibles, le sida, les grossesses non désirées

    –  la responsabilité individuelle, familiale et sociale fondée sur des valeurs humanistes du respect de soi et d’autrui.

    C’est développer la dignité de la personne et sa liberté.

    A mettre en écho avec les expositions traitant le corps comme outil pour exprimer et s’exprimer (plus particulièrement avec les mains et le visage), pour construire une image orientée de son corps,  pour développer l’imagination, mettre en mots et acquérir une première culture commune par la danse et les arts plastiques.

    En EPS : comment amener l’élève à mesurer des risques et oser s’engager dans l’action tout en  protégeant son corps et en respectant
    le corps de l’autre, prendre conscience de ses limites  et de ses possibilités tout en respectant les règles de la vie collective.

     

    • « Mon corps et les autres » : comment maintenir l’attention du groupe classe ?

    Conférence de Sylvie Cèbe : « qu’est-ce qu’être sage ? »

    Les problèmes surgissent quand les élèves s’ennuient si la tâche proposée est en deçà de leurs capacités, répétitive ou qu’ils n’en comprennent pas les enjeux ; quand ils ne comprennent pas parce qu’ils n’ont pas les compétences requises pour la tâche ; quand ils n’ont pas leur place dans l’activité.

    L’interférence entre les facteurs personnels et environnementaux peut créer un obstacle, source d’ennui ou d’incompréhension. Parce que le cerveau humain ne peut rester inactif, l’ennui entraîne l’inattention et l’agitation (exemples : rituel de la date ou le récit d’une histoire sans illustration).

    Si l’enseignant se centre sur les facteurs personnels, il va réguler uniquement le comportement de l’enfant. S’il tient compte de l’interaction entre les facteurs personnels (difficulté  de l’élève à réguler son comportement quand il s’ennuie) et les facteurs environnementaux
    (tâche proposée, conduite de la classe), il va avoir une réflexion sur les leviers dont il dispose pour transformer l’obstacle en facilitateur en agissant sur la tâche elle-même et sur la conduite de l’activité.

    L’agitation, « les troubles du comportement », l’agressivité sont très souvent la conséquence d’une difficulté cognitive, d’une impossibilité à comprendre donc à traiter la tâche proposée. La centration sur les difficultés comportementales masque les difficultés réelles et renforce la dépendance à l’enseignant pour réguler son attention et son comportement mais n’apporte pas d’amélioration sur le plan cognitif.

    L’EM a un rôle à jouer dans l’acquisition de l’autonomie c’est-à-dire dans l’apprentissage de l’éloignement d’autrui. Or l’acquisition de l’autonomie s’appuie sur l’opposition, à l’inverse du besoin de maternage encore très important chez les jeunes enfants.

    Leur agressivité, perçue comme négative par les enseignants, est la seule force émotionnelle qui contrebalance leurs tendances fusionnelles et en même temps le ressort essentiel de la prise de distance, de la construction de l’indépendance et de l’affirmation de soi. Donc ne pas réprimer globalement cette agressivité mais amener l’enfant à la contrôler, à la canaliser vers une forme acceptable par l’appropriation « fière et agressive » des savoirs et savoir-faire scolaires (Calin 2007).

    L’accueil du très jeune enfant doit se faire par l’intermédiaire d’objets et de lieux qui lui soient personnellement réservés. Car la collectivité lui est perçue comme une menace. Il faut donc lui garantir « sa place », un espace réservé pour lui.

    D’où le risque d’une « pathologisation » trop précoce pour des comportements ordinaires et constructifs par la non prise en compte du contexte, suivi d’un recours à un intervenant extérieur spécialisé, voire à une médicalisation.

    Croire qu’il existe des traits de personnalité, c’est renoncer à l’éducabilité de tous les élèves et à ne plus avoir confiance dans ses compétences professionnelles, bref à renoncer (Kemarrec 2008).

    En écho, des travaux exposés dans la galerie sur la relaxation, les jeux collectifs.

    Deux jours de travail intense : de quoi nourrir une réflexion partagée et engager à la mise en œuvre sur le terrain !