« On joue ensemble »
Jouer, échanger et éduquer ensemble pour créer un espace de résilience et accompagner la croissance de l’enfant avec Maryse CHARMET rééducatrice en RASED, ex-présidente de la FNAREN et Maryse METRA, psychologue, vice-présidente de l’AGSAS, membre du CA de l’OMEP-France
A Pontcharra (38), depuis plusieurs années maintenant, le « jeudi, on joue ensemble » ! Ce dispositif réunit chaque semaine, pendant une heure, des enfants accompagnés de leurs parents, et un réseau de professionnels au sein d’une école maternelle. Passerelle entre l’école et la famille, ce temps de rencontre « institutionnalisé » autour des activités ludiques permet de tisser des liens entre les différents acteurs de l’éducation d’un enfant. Nous verrons comment ce dispositif permet aux adultes de se rencontrer et de mieux se connaître en « jouant » (au sens du « playing » de D.W. Winnicott), et de créer ainsi un espace potentiel de résilience. On n’est jamais résilient seul et dans l’absolu. Un entourage tant soit peu favorable est indispensable pour donner libre cours à la dynamique individuelle et aux interactions qu’elle implique, et le jeu est un support privilégié pour positiver notre regard sur autrui (enfants et adultes), en commençant peut-être par mieux observer, identifier, utiliser les ressources propres à chacun, et ainsi faire évoluer les regards des uns et des autres sur les uns et les autres.
Plan de l’intervention :
Le concept de résilience……………………………………………………. 2
Un espace de résilience à l’école………………………………………… 3
« Un résilient tout seul, ça n’existe pas » rôle des adultes ……. 6
Le jeu comme facteur de résilience……………………………………..7
Conclusion…………………………………………………………………………. 9
Bibliographie……………………………………………………………………… 9
Articles ………………………………………………………………………………10
Littérature jeunesse………………………………………………………….. 10
Le concept de résilience
Sans nous attarder sur le concept de résilience, nous pouvons rappeler que les facteurs qui contribuent à rendre les enfants résilients sont de deux ordres : internes et externes.
Internes : avoir le sentiment d’une sécurité interne, une bonne estime de soi, la capacité de se projeter dans l’avenir, ce qui implique de la créativité, la faculté de se reconnaître en difficulté pour pouvoir solliciter de l’aide.
Externes : la famille (parents et fratrie), l’école (professionnels et pairs)…
La résilience présente de multiples facettes. Nous n’allons pas aborder ici de définitions trop scientifiques ou morales, nous allons emprunter à ce concept quelques pistes de réflexion pour en tirer des enseignements en matière de pédagogie et de prévention.
Plutôt que de poser le problème en termes de cause unique, la notion de résilience cherche à comprendre de quelle manière un coup peut être encaissé et peut provoquer des effets variables, voire même un rebond.
Ces définitions indiquent toutes que la résilience n’est pas une simple résistance, mais implique une évolution positive de longue durée, voire de toute l’existence. Ce serait une possibilité de rebondir, de re-construire, malgré certains aléas de la vie.
Que pouvons-nous faire à l’école pour favoriser cette évolution ? Car ce que les définitions ne précisent pas, c’est qu’on n’est jamais résilient seul et dans l’absolu. Un entourage tant soit peu favorable est indispensable pour donner libre cours à la dynamique individuelle et aux interactions qu’elle implique.
Pour Boris Cyrulnik, la résilience est « un tricot qui noue une laine développementale avec une laine affective et sociale ».
Les personnels des RASED savent bien que si l’on envisage la résilience comme un processus dans le développement, la difficulté d’adaptation aux exigences scolaires repérée assez tôt, peut donner lieu à une aide qui fournira les éléments d’un nouveau départ. Les difficultés scolaires d’un enfant peuvent être les cicatrices de souffrances infantiles, et inversement, l’école peut permettre à l’enfant de cicatriser des blessures.
Nous connaissons tous des enfants, des adolescents, des familles qui, confrontés à des risques sérieux, à des événements déstabilisants, réagissent positivement et réussissent leur vie alors que d’autres, dans la même situation, perdent pied et s’enfoncent.
« Une petite fille sage comme un orage » (Alain Serres. Rue du monde. 1999) est-elle un exemple d’enfant résiliente ? Que sait-on de l’univers intérieur d’une petite fille apparemment si sage ? Il s’y passe des choses étranges. On combat de redoutables loups. On règle des comptes avec les parents. On pense à la mort. On cherche son identité. On hurle de rage en détruisant tout dans le jeu… et puis l’orage passe, on se calme et l’on enfouit tout ce bouillonnement, toutes ces émotions, sous le calme apparent de la sagesse.
La résilience est un processus complexe, dynamique, pluridimensionnel qui part d’une conception globale de la personne.
La résilience nous convie à positiver notre regard sur autrui et à modifier nos pratiques, en commençant peut-être par mieux observer, identifier, utiliser les ressources propres de ceux que nous accueillons à l’école : les enfants, comme leurs parents.
Favoriser la résilience, c’est permettre à l’enfant de développer, dans les activités ludiques :
- des capacités de communication, une manière constructive de voir les événements et d’utiliser l’humour
- des capacités à résoudre les problèmes par soi-même ou en demandant de l’aide, ainsi que la mise en place de buts réalistes
- des capacités d’autonomie qui permettent de développer sa propre identité, d’agir de manière indépendante en ayant la maîtrise des situations et en acceptant la responsabilité de ce qui dépend de soi. Cette capacité d’autonomie permet de refuser les messages négatifs à propos de soi-même et de choisir d’accepter ceux qui sont positifs et qui favorisent la croissance.
Dans le dispositif « on joue ensemble », trois pistes de travail pour rendre les enfants plus forts face à l’adversité :
- un espace, dans l’école
- une médiation, le jeu
- des accompagnants, tuteurs de résilience.
Un espace de résilience à l’école
Dans Enfance Majuscule (n° 72-73, septembre 2003), Boris Cyrulnik écrivait : « La résilience est un processus à tricoter sans cesse (…). Les familles, l’école, le quartier et toutes les institutions sont impliquées dans ce processus »
Le dispositif « On joue ensemble » est une mise en œuvre de rencontres qui vont accompagner ce processus interne. Les professionnels ont le souci de créer les conditions d’un véritable accueil de l’enfant et de sa famille dans un espace sécure et contenant, pour que puissent être posées les éventuelles angoisses, et pour que puissent être levés les obstacles.
Nous essayons de poser le cadre que Philippe MEIRIEU définit comme celui d’une classe :
- assez « contenant » pour que chacun s’y sente en sécurité
- et assez « ouvert » pour que chacun y explore de nouvelles postures et puisse apprendre à « penser par soi-même ». (Faire l’école, faire la classe, ESF éditeur, Paris 2004 p 176)
Au fil du temps, nous avons pu évaluer que cet espace de rencontre laisse une trace humanisante. Nous avons assez de recul maintenant pour dire que les relations tissées là se poursuivent tout au long de la scolarité.
Nous pouvons évoquer, par exemple, ce papa handicapé originaire d’Allemagne qui s’occupe seul de ses trois enfants scolarisés. Il a fréquenté ce temps du jeudi de façon régulière pendant les trois années de scolarisation de son plus jeune enfant y retrouvant les autres parents, l’assistante sociale, la directrice de l’école, les autres professionnels qui peuvent être présents (rééducatrice, psychologue de l’Éducation nationale, TISF, Responsable de la ludothèque, de la médiathèque) pour jouer, échanger, partager dans ce lieu au cadre sécure. Ce temps partagé dans le dispositif « On joue ensemble » a été un moment important pour lui et pour son fils. Il a pu se risquer à vivre d’autres liens, prendre une autre place dans ce lieu, puis à l’école, pour suivre la scolarité de son enfant : lire un album jeunesse au groupe, s’engager dans la préparation puis la représentation d’un conte à plusieurs langues que des parents ont décidé de présenter à des classes de l’école, revenir ensuite prendre le café et échanger lorsque son enfant a été scolarisé en élémentaire…
Ce dispositif est au service des enfants, mais il constitue aussi un espace de résilience pour des parents qui n’entraient pas à l’école la tête haute. Côtoyer des professionnels de l’école dans ce lieu, faire avec eux, parler, partager du plaisir de jouer avec les enfants, leur a permis de lever les inhibitions qu’ils ressentaient, soit de par leur histoire, soit suite à l’expérience difficile avec leurs enfants plus âgés.
Pour beaucoup de psychologues, c’est le maintien d’une bonne estime de soi qui donne la clé de la résilience. Mais il nous faudra aussi considérer les limites de ce concept, Boris CYRULNIK (1999) écrit qu’un enfant blessé n’a pas forcément à être gavé. Nous n’avons pas seulement à lui donner, mais nous devons aussi exiger, attendre des choses de lui. Il est très important de le rendre actif, de manière à ce qu’il cesse de croire au déterminisme, aux causalités simplistes.
À l’école, l’enfant est un élève. Même lorsque les enseignants sont sensibles à la globalité de la personne, à son développement, ils ont mission d’instruire. L’enfant, quand il arrive à l’école a tout un passé qui relève de sa culture familiale et qui va jouer un rôle déterminant dans son engagement scolaire : le vécu, les représentations, les attentes sont différentes d’une famille à l’autre, d’un enfant à l’autre.
Nous sommes tous d’accord pour dire que le partenariat avec les familles est positif, mais il est parfois difficile.
Tous les parents sont-ils à égalité face à cette offre de partenariat ? De nombreux implicites pèsent sur les possibilités et modalités de rencontres et d’échanges.
« La résilience se substitue à la fatalité » disait Stanislas Tomkiewicz.
Des parents qui fréquentent « On joue ensemble » à Pontcharra témoignent :
« J’entre dans la salle et je suis accueillie par le groupe qui me met tout de suite en confiance. La séance commence par un rituel pour se dire bonjour et se présenter.
Je découvre ensuite les jeux installés sur les tables et les groupes se forment.
J’observe les réactions de mon enfant qui me permettent d’engager la conversation avec les autres parents et les partenaires présents ».
« C’est mon fils qui m’a tirée ici … Il a bien repéré les jeudis. Quand je ne peux pas,
c’est une matinée gâchée pour lui ; ça crée des relations avec les autres mamans. J’en ai parlé à d’autres et ça a été un bon moyen pour oser parler à d’autres mamans. On voit bien qu’il est plus facile ensuite de discuter de quelque chose qui ne va pas quand ce lien école famille est installé. C’est un lien simple et serein qui désacralise ».
Pour essayer de comprendre ce qui se passe, nous vous invitons à découvrir la casita, représentation graphique de la résilience par StéfanVanistendael et J. Lecomte (2000. Le bonheur est toujours possible)
Casita, ce terme espagnol signifie petite maison.
Comme dans une maison réelle, les chambres communiquent entre elles par des portes et des escaliers: les domaines de la résilience sont liés.
Nous allons parcourir la «Casita» pour voir en quoi le dispositif « On joue ensemble » peut permettre à un enfant et aux adultes d’entrer dans un processus de résilience.
Les fondations :
L’acceptation fondamentale de la personne. Cette acceptation est dirigée vers la personne elle-même et pas nécessairement vers ses actes et ses comportements C’est la pierre angulaire qui sert au départ à construire la confiance dans l’autre et partant, la confiance en soi et l’estime de soi. Elle nous renvoie aux théories de l’attachement décrite par Bowlby, mais aussi, pour ce qui concerne l’école inclusive, à l’accueil de l’enfant avec comme fondement : le principe d’éducabilité.
Les relations : L’autre élément fondateur de la résilience qui se retrouve dans ce modèle est la qualité du réseau de contacts de la personne. La résilience ne se construit pas seulement de l’intérieur. Elle est le fruit d’un maillage entre ce que fait la personne pour elle-même et ce qui l’aide de l’extérieur. « Un enfant tout seul, ça n’existe pas » déclarait D.W. Winnicott, le sujet se construit dans de collectif.
Le rez de chaussée :
Le sens et la cohérence de la vie : pour ce qui nous concerne, c’est la capacité de l’enfant de découvrir ce qu’il peut trouver à l’école, situer cette expérience dans une certaine cohérence. Comment l’école et les parents vont aider à la formation de cet individu autonome ? Comment ce dispositif va contribuer à la séparation d’avec la famille ? Comment donner à l’enfant assez de vitalisation pour qu’il ait envie de grandir ?
Cette métaphore de la maison pour représenter le moi du sujet a été proposée par de nombreux auteurs, le philosophe Gaston Bachelard, le psychanalyste Jacques Lévine…
On peut supposer que le processus de résilience permet à un enfant de transformer plus tard ses expériences difficiles en revisitant la casita intériorisée.
Au 1er étage :
L’estime de soi beaucoup travaillé à l’école maternelle.
Les aptitudes et les compétences diverses, qui nous renvoient aux intelligences multiples et aux nouveaux programmes de l’école maternelle, où le « parler, lire, écrire, compter » est important mais doit s’inscrire dans un réseau d’aptitudes plus vaste que Jacques Lévine appelait l’école des quatre intelligences (l’ intelligence des relations humaines, l’intelligence des situations concrètes, l’intelligence des réalisations, des productions, de la mise en acte, et l’intelligence des talents et des intérêts personnels).
La troisième pièce de cet étage est l’humour. Cette habileté permet de relativiser une situation, d’alléger le climat et de combattre la tristesse et le sentiment de victimisation. L’humour apporte plutôt une distanciation, un sentiment de détente bénéfique et devient en quelque sorte un indicateur d’adaptation positive. On joue ensemble et on rit beaucoup ensemble.
Sous le toit :
L’ouverture aux expériences qui demeurent à découvrir. En dépit de certains mouvements de retour en arrière et de moments de fragilité, c’est la futurisation.
« On joue ensemble », c’est justement un espace pour s’essayer à des expériences nouvelles dans le collectif, comme « La petite fille sage comme un orage » monte dans le grenier pour y régler ses problèmes en jouant, en lavant dans la cuvette bleue ses ennemis du jour…
« Un résilient tout seul, ça n’existe pas » rôle des adultes
« On joue ensemble » est vraiment né de la volonté de créer un espace de rencontre avec les parents dans l’école. Le lien entre les parents et l’école est fragile, comment construire une relation qui soit plus basée sur la confiance que sur la défiance ? L’écart culturel entre les familles et l’école peut être de taille. Le jeu n’est-il pas une médiation qui permettra de nous rassembler, de combler cet écart ?
La résilience est un concept intersubjectif. La résilience ne peut naître et se développer que dans la relation à autrui. Les capacités adaptatives et les capacités à penser ne peuvent être mises en jeu qu’à partir de liens significatifs avec un environnement dans lesquels l’individu va pouvoir rencontrer ce que B. Cyrulnik nommeles « tuteurs de résilience ».
Dans « Les vilains petits canards » (O.Jacob. 2001) Boris Cyrulnik précise : « La résilience n’est pas un catalogue de qualités que posséderait un individu. C’est un processus qui, de la naissance à la mort, nous tricote sans cesse avec notre entourage ».
La confiance en soi joue un rôle important dans la conquête de l’autonomie et dans la construction de l’identité; or, cette confiance vient en premier lieu des sentiments positifs que les parents peuvent éprouver à l’égard de leurs enfants. Certains n’arrivent pas à obtenir cette certitude de la part de leurs parents. Ils ont besoin qu’un autre adulte, investi d’une relation d’autorité, les approuve pour leur donner confiance en eux-mêmes. La place des adultes est importante. Nous allons pouvoir observer aussi comment se positionnent les familles, et nous allons entrer dans le jeu aussi pour réguler l’altérité des partenaires. Quand « on joue ensemble », on expérimente l’horizontalité des partenaires de jeu, mais aussi une certaine verticalité, car les adultes assument aussi la régulation des comportements quand il apparaît qu’on n’est plus dans le jeu. Le « lâcher prise » dans le jeu n’est pas du « laisser faire ».
Cyrulnik ajoute : « Quand l’enfant reste seul ou qu’on le fait taire, c’est alors qu’il devient prisonnier de sa mémoire, fasciné par la précision lumineuse du souvenir traumatique. Mais dès qu’on lui donne la parole, le crayon ou la scène où il peut s’exprimer, il apprend à se décentrer de lui-même pour maîtriser l’image qu’il tente de produire« . Les rééducateurs connaissent bien ce processus qui est à l’œuvre dans le jeu mais pas que, et l’école tout entière peut accroître les facteurs de résilience quand l’enfant peut y tisser un lien d’attachement avec des pairs, peut parentaliser un enseignant et revaloriser ainsi l’estime de soi.
Au-delà du tuteur de résilience, c’est toute une solidarité du réseau social qui va entrer en jeu. Le dispositif « on joue ensemble » donne l’occasion d’une expérience groupale et intergénérationnelle, un espace pour imaginer, construire, partager le plaisir du jeu avec d’autres, en quelque sorte : être au monde.
Chaque jeudi, la rencontre se termine sur la lecture offerte d’un conte, d’un album. C’est aujourd’hui un temps, attendu par tous, et qui rythme la séance. Avant de se séparer, nous nous regroupons, enfants scolarisés et non encore scolarisés, parents, grands-parents, accueillants, pour le plaisir de rire ensemble, d’avoir peur ensemble… Nous découvrons des albums récents mais également des histoires avec lesquelles parents et grands-parents ont grandi : après la lecture de Roule Galette, on pouvait entendre la petite chanson reprise par les parents qui raccompagnaient leur enfant dans leur classe…
Nos expériences de rééducatrices en RASED nous ont montré combien les élèves en difficulté avaient une estime de soi défaillante. L’enfant éprouve un sentiment de sécurité quand il a des repères stables dans le temps et dans l’espace et, surtout, quand les personnes significatives pour lui, sont fiables.
L’enfant trouve dans cet espace des étayages multiples, que sont :
- la relation à l’adulte, son parent, mais d’autres référents aussi
- la relation aux pairs (fondamentale pour le vivre ensemble, l’apprendre ensemble)
- la relation à soi-même pour renforcer la confiance en soi
- la relation à l’objet (sortir des objets transitionnels liés à la vie familiale pour investir le matériel proposé) dont nous parlerons ultérieurement.
Dans cet espace, nous allons faire en sorte que la rencontre de l’enfant avec l’école se transforme en un événement positif. Nous allons rencontrer l’enfant là où il est et l’amener aussi loin qu’il peut aller, adoptant cette proposition du psychanalyste René Spitz : « J’adopte ton pas pour que tu adoptes le mien ». Les adultes présents sont confiants dans l’intelligence de la démarche ludique de l’enfant. Nous n’avons pas forcément à chercher à savoir ce que l’enfant exprime dans son jeu. Nous jouons avec lui, nous pouvons l’accompagner, être dans le jeu, être acteur ou spectateur, selon la place qu’il nous accorde.
Nous voyons aussi comment, dans le partage, les échanges, la confiance en soi et l’estime de soi grandit chez les parents, les enfants, mais aussi chez les professionnels.
Directrice, assistante sociale, infirmière de PMI… ont pu témoigner de la façon dont ces rencontres sont venues, au départ, questionner leur place et la posture à adopter dans ces temps spécifiques, mais pour mieux les renforcer ensuite.
Un aspect fondamental est à souligner : tous les accueillants sont des personnels formés. Relation éducative, relation d’aide et de soin, toutes ces postures professionnelles ont en commun un cadre éthique au service de l’humain.
La magie de la rencontre survient parce qu’on est en état de la vivre sans qu’elle mette trop notre vie à l’épreuve du désordre. Dans cette relation, les personnes en présence doivent pouvoir laisser tomber leurs masques sociaux pour communiquer à un niveau d’authenticité, en ayant la capacité d’exprimer leurs attentes, leurs émotions, leurs sentiments… On fait des choses ensemble, on sort de la relation où l’on regarde des choses ensemble face à la télévision, où l’on appuie sur un bouton magique. Dans « on joue ensemble », l’imaginaire se construit dans l’être et le faire ensemble.
Le jeu comme facteur de résilience
Le poète et dramaturge Roland Dubillard a dit fort justement : « Jouer est un jeu. Les enfants le savent très bien. En grandissant il y a ceux qui l’oublient, d’autres qui s’en souviennent. Je suis de ceux qui s’en souviennent ».
A l’origine du concept de jeu, nous trouvons la liberté, la gratuité, la légèreté, la facilité, l’amusement, la diversité, la surprise, mais aussi la répétition qui rassure.
Le jeudi matin, entre 8h 30 et 9h 30, nous sommes dans un espace-temps suspendu : « D’accord, on dirait que… On ferait comme si, comme ça… »
Par le jeu du « faire semblant », les enfants comme les adultes parviennent à « sortir d’eux-mêmes » pour emprunter des rôles qui sont d’abord ceux de modèles connus, puis ceux de véritables fictions. Ils peuvent comprendre ainsi peu à peu les réactions d’autrui, se « mettre dans la peau de… », travailler l’empathie.
Le dispositif « on joue ensemble » est une invitation à un jeu collectif pour que les participants ne jouent plus seulement côte à côte, mais tentent de s’engager dans une véritable collaboration. Le cadre proposé permet une certaine liberté de choix, un cheminement possible pour chacun. A travers le jeu, l’enfant va faire l’expérience qu’il se construit avec l’autre, mais aussi contre l’autre, et sans danger. Nous sommes là pour rappeler que nous sommes dans un espace de fiction, de faire-semblant, de faire « comme si », pour éviter de ramener l’enfant dans la réalité. Il doit apprendre à différencier l’espace du jeu, de la fiction, et celui de la réalité.
Jouer, c’est se confronter aux possibles et aux limites, les siennes et celles des autres. S’affronter aux autres dans le jeu permet de transformer les problèmes de la réalité autrement que dans l’affrontement ou le repli sur soi. On perd, on gagne, le jeu permet de construire des mécanismes de défense face aux épreuves, c’est en cela aussi que le jeu est un facteur de résilience.
Le jeu permet aussi de trouver une satisfaction face aux inquiétudes et aux tensions.
Il produit une espèce d’équilibre émotif. Il offre la possibilité d’exprimer des désirs ou des tensions qui autrement n’auraient pas de débouchés. Il vient nourrir aussi des scénarios du possible. (« La petite fille sage comme un orage » repasse ses parents pour qu’ils tiennent moins de place…)
Le jeu permet de transformer les émotions, de représenter l’indicible, de transformer de la souffrance en autre chose. Nous n’avons pas forcément à chercher à savoir ce que cela recouvre. (voir la représentation de la mort dans « La petite fille sage comme un orage »).
Le jeu contribue à la construction de la pensée, il permet des expériences qui vont permettre de construire des contenants de pensée groupaux culturels et langagiers. Dans le jeu, on peut échouer, recommencer, que nous soyons enfants ou adultes.
L’adulte perd aussi, il n’est pas toujours celui qui gagne, car le jeu ne fait pas appel qu’aux savoirs savants. Et dans le jeu, l’enfant découvre qu’il sait, qu’il peut faire, qu’il détient parfois un savoir, un savoir-être, un savoir-faire qu’il n’avait pas encore expérimenté.
Le jeu permet une transmission, les adultes apprennent aux enfants à jouer, et nous avons pu voir qu’il était important de valoriser cette transmission qui n’est plus à l’œuvre dans certaines familles. On partage les images télévisuelles, au détriment du partage des jeux de société auxquels on a pu jouer nous-mêmes avec nos propres parents…
Les adultes introduisent aussi de la narration dans les jeux, autour du jeu de l’oie, nous avons pu entendre des parents raconter leurs propres émotions en tombant dans le puits, en rencontrant l’image de la mort.
Les familles témoignent que « jouer ensemble à l’école » a ouvert des « on joue ensemble à la maison ».
Pourrait-on faire autre chose que jouer ensemble ? Oui, on peut aussi conter, partager des albums, et nous ne nous en privons pas, grâce au lien avec la médiathèque.
On peut aussi parler ensemble, du jeu, et plus largement partager nos attentes en matière d’éducation, dans la complémentarité des rôles et dans le respect des places.
Les évaluations conduites régulièrement nous montrent combien ce dispositif constitue un espace de prévention des difficultés d’adaptation à l’école.
Chaque jeudi, après la rencontre, partenaires-accueillants du jour se retrouvent une demi-heure pour faire le point sur le déroulement de la séance Ces temps de co-réflexion sont importants. Ils participent au processus à l’œuvre dans ces rencontres, tout comme le sont les séances de bilan à l’issue de chaque période, avec les parents, puis avec tous les partenaires (enseignants de l’école compris).
Projet « On joue ensemble »
Lien famille-école-partenaires médico-sociaux
Rencontre du jeudi n°
Compte-rendu du ………..
Fréquentation :
Nombre de personnes :
Déjà venues/nouvelles :
Accueillants :
Total des présents :
Déroulement, remarques et bilan :
Remarques sur le déroulement (ressenti global, interactions entre les personnes, thèmes d’échanges, situations particulières…etc)
Conclusion
Au fil des séances et des années d’expérience, nous pouvons vraiment faire le lien entre le dispositif « On joue ensemble » et le concept de résilience. La résilience n’est-elle pas d’abord un mode de raisonnement, où l’on vise à repérer les compétences, les ressources, les potentialités et à les amplifier, au lieu de repérer le déficit, la difficulté… L’estime de soi des enfants et des adultes s’en trouve renforcé et nous espérons que cette confiance perdurera et constituera un appui possible au fil de la scolarité des enfants.
Mais nous savons aussi que certaines résiliences sont difficiles à obtenir, lorsque l’enfant ou sa famille tendent à s’enfermer dans une fidélité à l’identité négative, à ce qu’ils voient comme « mauvais » en eux. La fidélité à cette identité négative risque d’entraver le processus d’apprentissage. C’est alors que les professionnels engagés dans ce dispositif vont prendre le relais pour une aide adaptée, mais « on joue ensemble » a ouvert le chemin de la rencontre et de l’alliance symbolique.
Nous vous invitons, pour terminer, à lire Ti Poucet (Stéphane Servant. Rue du monde. 2009) qui nous présente un enfant résilient qui avait intériorisé des images sécures avant l’événement traumatique de l’abandon et qui a pu s’appuyer sur elles pour poursuivre son chemin, aller de l’avant, et triompher de l’adversité.
Bibliographie
Anaut Marie Psychologie de la résilience. Armand Colin. 2015
Anaut M. et Cyrulnik B. Résilience. De la recherche à la pratique. 2014
Cyrulnik B., Pourtois J-P et coll. Ecole et résilience Odile Jacob 2007
Goussot Alain. Pédagogie et résilience. L’Harmattan. 2014
HumbeeckBruno De Blanche-Neige à Harry Potter, des histoires pour rebondir :
La résilience en question 2015
Manciaux Michel La résilience, mythe ou réalité Fleurus 1996
VanistendaelStéfan et Lecomte J. Le bonheur est toujours possible 2000
Articles
« Chez Maryse » Un passage pour conquérir l’espace scolaire. Maryse Métrain :L’état des relations école-parents. Entre méfiance, défiance et bienveillance Ouvrage coordonné par Georges FOTINOS, contribution au débat, 2014, pp 90-92 :
« On joue ensemble » : jouer, échanger et éduquer ensemble à l’école, pour mieux accompagner la croissance de l’enfant. Maryse Charmet, Reine Garcia et Maryse Métra, in L’ERRE. Actes du 29ème congrès de la FNAREN. 2015, pp 115-124
Littérature jeunesse
Regarde je ne pleure plus de Marie-Christophe Ruata-Arn. Editions Notari. 2016
Ti Poucet. Stéphane Servant. Rue du Monde. 2009
Une petite fille sage comme un orage. Alain serres. Rue du Monde. 1999