97e congrès Ageem à Saint-Brieuc
2 et 3 juillet 2024
En corps encore ! Corps, développement, santé, Quels apprentissages à l’école maternelle ?
Nous remercions les membres de l’Ageem et plus particulièrement sa présidente Maryse Chrétien pour l’accueil très chaleureux qui nous a été réservé. Pour rappel, ce congrès a eu lieu dans l’entre deux tours des élections législatives et la qualité des échanges tout au long de ces journées a remis du baume au cœur des participants.
Les visites au stand ont été l’occasion de présenter l’Omep à des enseignants, des équipes de circonscription, des formateurs d’éducateurs de jeunes enfants, mais aussi d’échanger avec des collègues qui nous connaissaient bien, pour avoir participé à des accueils de délégation étrangère. Je pense tout récemment aux collègues venus du Congo et accueillis dans le 92. Nous étions entourés de partenaires de longue date et nous avons pu consolider les liens en réaffirmant l’importance du réfléchir ensemble, de l’agir ensemble. Je citerai le Gref, la Fnaren, l’Agsas, l’Occe, l’association Sur les pas de Germaine Tortel, les Cahiers pédagogiques…
Comme toujours, le programme de ces journées était riche et varié, avec des conférences, des expos pédagogiques dont vous trouverez la liste complète sur le site de l’AGEEM. Je m’arrêterai sur les deux temps inauguraux du congrès : le discours très attendu de la présidente suivi de la conférence de Mme Viviane Bouysse.
Maryse Chrétien, en rappelant le projet de la mise en place d’un plan sur l’école maternelle, a réaffirmé le danger de la primarisation de l’école maternelle qui n’est pas une école élémentaire avant l’heure. L’AGEEM a pu rappeler qu’elle s’engage et milite depuis toujours pour un accueil de tous les enfants sans exclure ni classer et qu’elle a besoin de nous toutes et tous pour défendre les valeurs qui fondent l’école maternelle. En plus d’apporter aux enfants du bonheur d’être là, elle doit leur offrir encore plus de droits. Liberté, égalité et fraternité ne sont pas de vains mots.
Ce discours très militant a été suivi d’une intervention de Viviane Bouysse, Inspectrice générale honoraire de l’Education Nationale et membre du Conseil scientifique de l’AGEEM. Ses interventions sont toujours très attendues tant elle porte haut une école maternelle de qualité qui réponde aux besoins des enfants, mais sa conférence avait cette année une charge émotionnelle particulière, car d’entrée Mme Bouysse a annoncé que c’était sa dernière intervention à un congrès de l’AGEEM, évoquant son âge, le lien avec le corps ? En tout cas, ce thème était pour elle le bienvenu face au « projet stupéfiant des programmes annoncés où le français et les mathématiques font irruption avec ces termes-là » ! Où sont les éléments préalables qui fondent les apprentissages formels ? C’est pour cette raison qu’elle a choisi comme titre de son intervention : « Apprendre par corps… pour commencer. »
On ne renonce pas à apprendre par cœur, mais on y associe le corps, qui est à la base de tout apprentissage pour le jeune enfant. Le corps est un intermédiaire fondamental entre soi et les autres, entre soi et le monde. Il est la première source d’information pour l’enfant, il porte, accompagne et facilite les apprentissages.
Viviane Bouysse a insisté aussi sur la notion du temps. Il faut laisser au jeune enfant le temps de l’expérience, de la répétition, le temps de « prendre les choses en main » pour asseoir ses compétences. Et il y aura les mots de l’adulte pour accompagner les perceptions, les sensations, ce que l’enfant ressent sans avoir les mots pour le dire. Et il s’agit bien là d’un accompagnement de l’expérience, et pas de « leçons ». Le projet des nouveaux programmes semblait vouloir accélérer les choses, or « les enfants ne sont pas des mutants, ils restent des enfants ». Et pour bon nombre d’entre eux, l’école est souvent le premier collectif auquel ils ont affaire. Comment communique-t- on quand il y a de la variété dans le collectif ? Par le corps. Les enfants vont décrypter tout un univers à travers le corps des autres et à partir de ce que cela produit sur leur propre corps. Il y a la voix, les cris, l’expression des émotions, les regards, la main qui touche, qui expérimente… et il y aura les mots des adultes pour faire évoluer les habiletés des enfants. Il est beaucoup question d’attention et de concentration à l’école, mais cela ne sera possible pour l’enfant que dans des périodes limitées et s’il a l’occasion de vivre des expériences variées avec son corps. La discipline n’est pas à confondre avec l’oppression, se discipliner n’est possible que s’il y a un équilibre entre des activités variées. Les soubassements corporels sont utiles pour les apprentissages plus formels. C’est ce qui permettra à l’adulte de mettre en valeur l’originalité de chacune et chacun en accueillant toutes les productions des enfants et en valorisant tous les petits progrès.
Agir, vivre des réussites va permettre de généraliser certains comportements et de mieux comprendre sa place dans le monde, d’accéder aux apprentissages plus formels. C’est un chemin qui suppose de la prise de distance, de la réflexion, du temps, de la maturation. Et il y a la rencontre avec les œuvres, avec la littérature, et cela passe aussi par le corps, il y a un retentissement corporel des émotions suscitées par le récit.
L’école maternelle rend les apprentissages maîtrisables, mais quand le temps en est venu, et ce temps n’est pas le même pour tous les enfants. Si c’est à la portée de certains enfants, on va tirer la conclusion que ceux qui n’y arrivent pas sont en difficulté. Quelle confiance les enfants auront-ils dans le monde quand on les abîme par des échecs précoces ? La mission de l’école maternelle est l’accrochage culturel pour essayer de corriger les inégalités de destin : « Rendre désirable le pouvoir sur le monde et rendre acceptables les efforts pour y parvenir ». Mme Bouysse nous a souhaité beaucoup de motifs d’espoir tout en terminant sur le mot de « combat » !
Mon état d’esprit en revenant de ce congrès était lié au « Conte chaud et doux des chaudoudoux » de Claude Steiner (interéditions). Dans ce monde qui distribue des froids piquants, le combat dont parle Mme Bouysse ne consiste-t-il pas à réintroduire des chaudoudoux pour permettre à chaque enfant de grandir dans une certaine sécurité affective et à chaque adulte (enseignant, éducateur, ATSEM, parent…) de se sentir soutenu dans sa démarche d’accompagnement de l’enfant ? A vous de faire le plein de ce que vous souhaitez partager et de ce que vous voulez éviter ! L’AGEEM nous donne déjà rendez-vous l’an prochain sur « l’éducation au développement durable » à Strasbourg. Mais avant cela, Joëlle Gonthier nous a invité à relayer l’annonce de La Grande Lessive du 17 octobre 2024 dont le thème sera « Pareil/ Pas pareil ». C’est un point de départ qui invite à passer du « pareil » au « pas pareil » pour enclencher une démarche de création. Des pistes sont proposées sur le site de la Grande Lessive.
Maryse Métra