1948 – 2013 L’OMEP fête ses 65 ans

 

Nous ré-éditons l’article de Madeleine GOUTARD  écrit pour les 60 ans de l’OMEP.

Cet article retrace l’historique de l’OMEP depuis sa création.

 

Nous remercions Madeleine Goutard, présidente de l'OMEP France de 1980 à 1986, de nous avoir confié le récit de la création de l’OMEP.

Les origines

Fondée en 1948, l’OMEP a été en fait préparée dès 1946, c’est-à-dire dans l’immédiat après-guerre, au moment où les grandes organisations internationales se mettaient en place. Pour comprendre son originalité, il faut en particulier rappeler le rôle primordial qu’a joué l’UNESCO dans sa création.

Signée à Londres, le 16 novembre 1945, la Convention qui fondait l’UNESCO vouait cette organisation à créer les condi­tions d’application de la Charte des Nations Unies signée à San Francisco dès juin 1945. En unissant dans des actions communes les plus grands acteurs dans les domaines de la science, de la culture et de l’éducation à travers le monde, l’UNESCO se proposait de susciter une coopération destinée à favoriser une compréhension mutuelle. D’où la célèbre phrase de son Acte constitutif : « Les gouvernements des Etats signataires de la présente convention, au nom de leurs peuples, déclarent que les guerres prenant naissance dans l’es­prit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. »

Dans le domaine de l’éducation, les Etats membres décidèrent de donner la priorité à l’enseignement primaire qu’il fallait généraliser à travers le monde, sans prendre en compte l’en­seignement préscolaire.

 

Naissance de l’OMEP

A Londres, parmi les personnes qui suivent les travaux de cette Convention avec les plus grands espoirs, il y a Lady Allen of Hurtwood, présidente de l’Association des « Nursery Schools ». Connaissant l’immensité des besoins de la petite enfance qui avait tellement souffert pendant la guerre et qui comptait un grand nombre d’orphelins, Lady Allen prend conscience que la société civile doit prendre une initia­tive pour suppléer le travail que l’UNESCO ne pourra pas faire.

Grâce à sa rencontre avec Madame Alva Myrdal (Suède), directrice d’une école de formation des personnels pour l’édu­cation des jeunes enfants, un premier noyau de sept personnes (Angleterre, Norvège, Suède ) travaille dès 1946 à la fonda­tion d’une organisation internationale.

Le groupe se place sous la direction de Madame Myrdal, dont le mari Gunnar Myrdal, économiste de renom internatio­nal, va en 1947 assumer une tâche importante en Europe dans le cadre des Nations-Unies.

Le groupe préparatoire s’élargit à quelques autres pays dont la France, et établit quelques liens hors d’Europe. Madame Myr­dal prend contact avec le Secrétariat de l’UNESCO qui voit d’un œil favorable, la création d’une organisation non gouver­nementale qui peut l’aider dans un domaine situé hors de son programme officiel.

 

Prague Août 1948

Pour sensibiliser l’opinion mondiale, l’UNESCO, qui seule avait pouvoir et compétence pour le faire, organise à Prague, en août 1948, un séminaire international sur l’éducation préscolaire à la suite duquel, sous la présidence d’Alva Myr­dal, un groupe de participants provenant de 17 pays : éduca­teurs, médecins, travailleurs sociaux, parents, architectes… prend une « Résolution » en vue de la création d’un « Conseil Mondial pour l’éducation de la petite enfance ». Un projet de constitution est élaboré et chaque participant prend l’engage­ment de travailler à la création d’un comité de cette nouvelle organisation dans son propre pays.

Cette nouvelle organisation commence avec une audace inouïe : sans aucun appui financier, sans logistique, avec le seul soutien moral de l’UNESCO, elle vise d’emblée une am­plitude mondiale dans un domaine peu connu car à cette épo­que n’existait aucune statistique officielle, aucune recherche d’envergure mondiale sur l’ensemble des services sociaux et éducatifs concernant la petite enfance dans les différents pays du monde. Et elle avait l’ambition de contribuer à la paix mondiale par son action éducative.

Sa constitution est inspirée de celle de l’UNESCO. C’est pourquoi ses membres sont des Comités nationaux dont il ne peut y avoir qu’un seul par pays et dont « nul ne peut être exclu pour des raisons de race, de religion, de nationalité ou d’opinion politique ». Ainsi les Comités nationaux, tout comme les Assemblées mondiales sont conçus comme des écoles pratiques de paix où l’on apprend à se connaître, à se comprendre et à œuvrer ensemble pour le plus grand bien du jeune enfant.

Lors de sa création en 1948, notre organisation n’a donc pas encore de membres puisque les comités nationaux ne sont pas encore créés et son appellation définitive n’est pas encore choisie. Elle repose essentiellement sur de fortes personnalités ayant un grand idéal, des compétences affirmées et des volon­tés inébranlables.

 

Paris 1949

A l’assemblée de 1949, onze pays sont parvenus à constituer un Comité national. Ils sont donc les premiers membres de l’OMEP et chacun d’eux, dont le Comité français, se consi­dère comme un des membres fondateurs de l’OMEP. Cette assemblée est présidée par Lady Allen du fait qu’AIva Myrdal a été appelée à prendre un poste important dans une des agen­ces des Nations Unies. L’Assemblée se tient à Paris car l’UNESCO s’y est installée en vertu d’un accord provi­soire avec le gouvernement français. L’accord concernant le siège permanent du secrétariat de l’UNESCO à Paris inter­viendra en 1954. Pour cette raison, les statuts de l’OMEP qui ont été supervisés par des juristes de l’UNESCO seront dépo­sés à Paris, notre organisation n’ayant pas, et n’aura pas par la suite, de secrétariat permanent lui conférant quelque part une domiciliation fixe. Son secrétariat est ambulant et suit les présidents successifs.

 

Vienne 1950

Lady Allen étant à son tour appelée par une des grandes organi­sations gouvernementales, l’Assemblée de Vienne en 1950 est présidée par Madame Herbinière-Lebert (France), élue Prési­dente. Suzanne Herbinière-Lebert a ,elle aussi, une dimension internationale. Elle a organisé à Paris en 1931 le « Congrès inter­national de l’Enfance » qui a réuni des sommités connues du monde entier. A l’Assemblée de Vienne le titre de « Présidentes fondatrices » est décerné à Alva Myrdal et Lady Allen. Aujourd­’hui l’OMEP s’honore de ce que sa première présidente Fondatrice ait obtenu en 1982 un prix Nobel de la Paix et depuis une trentaine d’années, elle propose des candidates à l’attribution d’une bourse du fonds Lady Allen of Hortwwood qui, outre l’OMEP, a fondé deux autres organisations. On peut considérer que l’équipement actuel des espaces extérieurs de jeux de nos écoles a son origine dans l’invention par Lady Allen des « play groups » et des terrains de jeux.

 

Suzanne Herbinière-Lebert, Présidente française

Elle est la première à exercer jusqu’au bout deux mandats suc­cessifs de Présidente de 1950 à 1954. Elle doit gérer une crise qu’avec humour, elle considère comme une maladie infantile de l’OMEP. En remerciement pour son action efficace en la circons­tance, puis pour la continuité de son activité de Présidente et la constance des liens maintenus avec l’UNESCO, l’Assemblée de Copenhague lui décerne en 1954 le titre de Présidente fondatrice.

Par la suite l’OMEP a pris en quelque sorte sa vitesse de croi­sière. Chaque président s’est efforcé d’étendre l’OMEP à travers le Monde, progression qui ne peut être que lente en raison des idéaux mêmes de l’OMEP et du fait qu’elle n’est pas une organi­sation corporative mais uniquement au service des enfants.

Le fait qu’il ne peut y avoir qu’un seul comité par pays oblige chaque comité national à s’efforcer d’être aussi représentatif que possible. Chaque comité est en quelque sorte une organisation faîtière qui réunit potentiellement et sans exclusive, outre des membres individuels, toute association nationale intéressée par la petite enfance. Par contre, un comité de l’OMEP ne peut lui- même, pour des raisons statutaires, devenir membre d’une asso­ciation nationale ou laisser l’une d’elle exercer une suprématie en son sein. Cela fait que parfois, peuvent figurer parmi les mem­bres d’un comité national, des associations nationales plus riches et mieux implantées que lui-même. En revanche, le comité natio­nal de l’OMEP peut offrir à ces associations une fenêtre sur le monde et la possibilité de participer à des activités mondiales.

Une originalité de l’OMEP est le statut particulier de ses mem­bres qui n’existent pas de façon indépendante, même si les légis­lations propres à chaque pays obligent à des déclarations d’acti­vité. Contrairement par exemple aux membres de l’UNESCO qui sont des pays qui existent par eux-mêmes ou des fédérations dont chaque entité fédérée a son existence propre ou encore des asso­ciations qui en groupent d’autres préexistantes, les Comités na­tionaux de l’OMEP n’ont aucune préexistence. Ils sont tous fon­dés par l’OMEP et peuvent être dissous par elle. Ils sont un pro­longement de l’OMEP dans un pays où leur tâche essentielle est de répandre les idéaux et les objectifs de l’OMEP concernant la petite enfance et de collaborer aux activités et recherches qu’elle entreprend.

En raison de ces particularités de fonctionnement visant à répon­dre à des objectifs d’entente et de paix, l’OMEP a vite pris cons­cience de la nécessité d’accompagner et d’encadrer la création des comités nationaux et d’établir des étapes progressives avant une reconnaissance de membre à part entière. Les statuts de l’O­MEP sont suffisamment souples pour s’adapter à tout contexte local.

Comme toute entité humaine – et comme l’OMEP elle-même – les comités nationaux connaissent des vicissitudes. Leur vitalité se mesure au rayonnement qu’ils ont dans leur pays, à leur capa­cité à contribuer aux actions et aux recherches mondiales, à parti­ciper aux événements régionaux et mondiaux, à proposer leur pays comme lieu de réunion et à prendre en charge l’organisation de celle-ci.

Les grands anniversaires sont des occasions de faire le point et de recentrer l’action vers des objectifs essentiels. Malgré des aléas, on peut dire que pendant 60 ans l’OMEP n’a cessé de progresser en restant fidèle à ses grandes orientations créatrices. Elle a été utile à la connaissance de l’enfant et au respect de ses droits, à la diffusion de la pensée des grands pédagogues et des recherches importantes dans ce domaine. Elle a beaucoup œuvré à la forma­tion de personnels et à répandre les idées et les pratiques les plus novatrices.

Elle a fait entendre sa voix et tissé des liens au sein de la commu­nauté internationale.

Sa propre histoire à travers ses actions, ses projets et les thèmes de ses colloques et assemblées, reflète l’histoire de l’éducation de la petite enfance dans le monde et autorise à penser qu’elle y a largement contribué.

 

Madeleine Goutard    

Présidente mondiale honoraire